Friedrich Fritz Frédéric Levi
Brevet déposé par Frédéric Levi (1933)

Friedrich Fritz Frédéric Levi

Il est né le 16 décembre 1901 à Crailsheim (Bade-Wurtemberg en Allemagne), fils de Julius, négociant en cigares (décédé en février 1942), et de Jeanette/Jenny Kleemann. Il a un frère installé en Amérique.

Il devient chimiste-conseil, ingénieur-chimiste, et s’installe en France, à Almenêches (Orne), quartier de la gare, où il est directeur d’une distillerie (1926-1935), déposant en 1933 un brevet d’invention concernant l’utilisation d’adsorbants (charbon actif) dans l’industrie des alcools et de la carbonisation du bois.

1933
Brevet déposé par Frédéric Levi (1933)

Il est en ménage vers 1935 avec une française, Jeanne Papin, originaire de la Loire-Inférieure, divorcée et mère d’une fille de 9 ans.

Ils déménagent ensuite à Paris, 58 bis Rue Haxo, dans le XXe (1936), puis dans la Seine (juin 1937), et enfin à Rion-des-Landes en 1938.
Il y habite d’abord à l’hôtel, recensé comme ingénieur-chimiste à la Manufacture Landaise de produits chimiques (jusqu’en avril 1939) [1]« Si les origines de la société remontent à 1926 lors de la création de la « Société Landaise de Produits Chimiques » qui exploitait alors charbon de bois, goudrons et pyroligneux à … Lire la suite.

Il a cependant des « démêlés » avec son employeur (congédié au bout de 3 mois pour « incompétence technique » et « incapacité », il s’ensuit un procès, qu’il gagne).

Dès la déclaration de guerre, il est interné (à deux reprises) au Camp de concentration de ressortissants étrangers de Libourne [2]Comme 20.000 Allemands et Autrichiens, en grande partie juifs et/ou opposants au régime nazi, en vertu du décret du 1er septembre 1939 prévoyant, en cas de conflit armé, « le rassemblement dans … Lire la suite, soupçonné de faire partie de la « 5e colonne », son domicile perquisitionné.

Libéré le 19 juin 1940 (Armistice), il rejoint Rion. Un juge prononce cependant la mise sous séquestre de ses biens le 22 juin 1940, en vertu d’un décret du 1er septembre 1939 (en tant que « sujet allemand »).

Frédéric Levi demande au préfet la levée du séquestre, ainsi que l’autorisation de se marier (en tant qu’étranger, il demande à être dispensé de présenter un « certificat de coutume », censé lui être fourni par les autorités allemandes…), les deux lui sont refusés…
Le 28 août, ses maigres biens lui sont enfin restitués [3]Décret du 28 juillet 1940 levant les séquestres des biens des sujets allemands. Il est toujours domicilié à Rion,  avenue de la Gare, Villa Jeannette (locataire de Mme Dartiguelongue).

Le 15 octobre, il souscrit à l’obligation de se faire recenser comme juif, alors « bénéficiaire du droit d’asile et en instance de naturalisation ».

Il est employé à Pontenx dans une usine de carbonisation par la société Colin-Barbe de Bordeaux (du 1er décembre 1940 à fin janvier 1941), et fait des essais de carbonisation chez M. Maisonnave à Rion (en juin 1941, il invente un procédé, déposant un nouveau brevet en 1942). M. Carnoy, de Bordeaux, offrant ensuite de l’employer (octobre 1941), le préfet sollicite l’avis du Commissariat Général aux Questions Juives, qui donne son accord, à la condition que « l’israélite n’aura aucun rapport avec le public ».

Les menaces s’accumulent…

D’après une enquête de police diligentée par la préfecture en mai 1941, « personne ne peut connaître le caractère de cet homme n’ayant aucune fréquentation à Rion ». Son ancien employeur déclare qu’il est franc-maçon. On enquête pour savoir s’il peut être considéré comme « en surnombre » dans l’économie française, et donc susceptible d’être interné

Les Allemands, de leur côté, demandent communication au Procureur de la République du dossier de séquestre de ses biens.

En septembre, il doit, comme tous les Juifs, déposer son poste de T.S.F. à la mairie.

En octobre, la mention « Juif » est apposée sur sa carte d’identité (alors en renouvellement à la préfecture de Mont-de-Marsan).

Le dimanche 7 juin 1942, il reçoit en mairie deux « insignes de juif » (ordonnance allemande du 28 mai 1942).

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Le 4 juillet, il dépose une demande au maire de Rion afin que sa mère, veuve depuis quelques mois, puisse le rejoindre depuis Crailsheim. Un pogrom avait eu lieu en novembre 1938 dans cette ville. Arrêtée le 20 août, transférée à Stuttgart, puis au camp de Terezin, elle est déportée à Treblinka en septembre, et dite décédée en 1943). Le refus allemand, transmis par la préfecture et le maire, arrivera quelques jours après la déportation de Frédéric Lévi…

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Réponse du SD de Bordeaux « Nein ! » (AD 40)

Il est alors employé par la société CARBAG (Carbonisation et Agglomération), à l’Usine de Solférino.

Le 14 juillet 1942 à 7 heures, deux gendarmes de la brigade de Rion se présentent à son domicile et procèdent à son arrestation (suite à une demande du SD allemand de Dax du 13 juillet, relayée par le préfet).

Il leur déclare alors : « il est vraisemblable que mon employeur me réclamera aux autorités d’occupation, qui m’ont d’ailleurs déjà accordé une autorisation de circulation ».

Incarcéré à la caserne de gendarmerie de Rion, il est transféré à la maison d’arrêt de Dax, puis au camp de Mérignac (le 17 juillet), et enfin à Drancy le 18 (dit de nationalité roumaine !).

Il est déporté à Auschwitz par le convoi n° 7 au départ de la gare du Bourget-Drancy le 19 juillet 1942 à 9h05 [4]https://stevemorse.org/france/cv/Notices.pdf#page=49. Le convoi arrive à Auschwitz le 21. Frédéric Levi est déclaré décédé le 24  à Auschwitz par l’arrêté du 23 juillet 2018, publié au JORF du 14 août 2018 [5]https://www.legifrance.gouv.fr/download/pdf?id=a5dVSLgNL6rQjPMD73Pd22cZU3ry4LrIzsNm2wvZUaE.

Sa pierre tombale au cimetière de Crailsheim le dit décédé en 1943.

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Cimetière de Crailsheim. Monument à la mémoire des victimes du national-socialisme

En octobre 1944, après la Libération, ses biens sont à nouveau mis sous séquestre…

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Documents

Autres sources

Autres sources
1 « Si les origines de la société remontent à 1926 lors de la création de la « Société Landaise de Produits Chimiques » qui exploitait alors charbon de bois, goudrons et pyroligneux à partir du pin des Landes, ce n’est qu’en 1933 que l’on vit apparaître la « Manufacture Landaise de Produits Chimiques » ». Source : https://www.mlpc-intl.com/Profil/notre_histoire.asp
2 Comme 20.000 Allemands et Autrichiens, en grande partie juifs et/ou opposants au régime nazi, en vertu du décret du 1er septembre 1939 prévoyant, en cas de conflit armé, « le rassemblement dans des centres spéciaux de tous les étrangers de sexe masculin ressortissant de territoires appartenant à l’ennemi » âgés de 17 à 50 ans
3 Décret du 28 juillet 1940 levant les séquestres des biens des sujets allemands
4 https://stevemorse.org/france/cv/Notices.pdf#page=49
5 https://www.legifrance.gouv.fr/download/pdf?id=a5dVSLgNL6rQjPMD73Pd22cZU3ry4LrIzsNm2wvZUaE