Nicole Grunberg
Nicole Grunberg et sa mère

Nicole Grunberg

Nicole Grunberg est née le 8 mai 1940 à Deauville (Calvados) (ses parents ayant peut-être fui la capitale en raison de la menace d’invasion allemande), fille de Georges, tailleur d’habits (né à Odessa), et de Jeanne/Jeanina Locker (née en 1901 à Paris), qui se sont mariés en 1921.

Sa mère est photographe, puis « ménagère », et la famille est domiciliée à Paris, 29 Rue des Pyramides (Ier arrondissement).

Une première fille, Jacqueline, naît en 1922.

La famille est naturalisée en 1927 (bien que née à Paris, Jeanne avait perdu sa nationalité par son mariage, Georges Grunberg étant né en Russie et de nationalité roumaine).

Jeanne et ses deux filles sont arrêtées le 4 juin 1942 (« du côté d’Hagetmau ») alors qu’elles tentaient de franchir la ligne de démarcation. Jeanne et Jacqueline sont incarcérées à la prison de Mont-de-Marsan le 5 à 17 h par la Feldgendarmerie, tandis que Nicole est placée à l’hôpital-hospice Lesbazeilles en raison de son jeune âge (2 ans).

Sa mère et sa sœur sont condamnées à 3 mois de prison le 8 juin par le Tribunal de la Feldkommandantur.

Une jeune femme juive a été prise avec son enfant de 2 ans. On a pris l’enfant et l’a placée à l’Hôpital, avec défense de la laisser voir à sa mère. La mère est condamnée à 3 mois et puis au camp de concentration. Elle ignore encore cette dernière mesure. Elle pleure sans cesse et est malade de désespoir de sa séparation d’avec l’enfant. Je suis intervenue mais, vu qu’elle est juive, RIEN à faire. Cependant je vais voir l’enfant souvent, et suis autorisée à en donner des nouvelles à la mère. Par ailleurs, celle-ci n’a plus d’espoir qu’en moi. Vu que l’enfant serait littéralement dans la rue, je lui ai conseillé de la laisser ici à l’Hôpital, où elle est très bien et aux soins des Sœurs… et cela pour une période indéterminée, étant actuellement dans la situation d’enfant abandonnée. J’irai la voir et en donnerai des nouvelles à la mère tant qu’elle sera à Bayonne, lui ai promis que l’enfant serait en bonne garde. Son chagrin est terrible à voir. Mais, du moins, a-t-elle confiance en moi et sait-elle que l’enfant est en sûreté.

Notes de Mme de Guilloutet (interprète et intermédiaire entre les Allemands et la préfecture) pour monsieur le secrétaire général (17 juin 1942) (AD 40).

Le 20 juin, sa mère écrit : « J’attends votre lettre pour savoir quoi faire avec Nicole. Pauvre petite adorée, je ne l’ai pas encore revue, il paraît qu’elle a très bonne mine et s’amuse avec d’autres enfants. On lui a remis la poupée et les oranges ainsi que les bonbons. Une dame d’ici peut la ramener la 1ère semaine de juillet, le 9 ou le 10. J’aimerais tant la savoir avec vous. Irène pourrait venir la chercher […].

Si quelqu’un venait chercher la petite […] voir avec Sœur Marie ou quelqu’un de la Croix Rouge […) j’attends avec impatience votre réponse mais Andrée [sa sœur] va-t-elle pouvoir s’en occuper, la pauvre est bien déprimée aussi mais on ne peut pas laisser mon trésor ».

Le 23 juin, elle se réjouit, toujours à Mont-de-Marsan, en dépit de « cette vie » qu’elle redoute de «ne pouvoir supporter » (lettre à sa mère) : « Je serai heureuse lorsque la petite Nicole sera auprès de vous. Demandez à Raymonde ses petites sandales. Dites-lui bien à ma petite chérie que je suis contente que ce soit moi qui sois arrêtée et pas elle…. A son âge ce serait trop triste, bonne petite, qu’elle soit courageuse et patiente ».

Arno Klarsfeld, Papon, un verdict français

Jeanne et Jacqueline sont transférées à Bayonne le 30 juin à 7 h 30 (on note sur les registres de la maison d’arrêt la mention « Non libérables »).

Le lendemain, Jacqueline écrit à son frère Jean-Jacques : « Mes chers tous, notre belle petite Nicole va partir demain pour Paris, c’est Mme Laurent de l’Oiseau Bleu (?) qui vient la chercher. Andrée [sa tante] la gardera, et Dieu sait comment elle sera bien soignée. Bons baisers, Jacqueline ».

« Ma mère a prévenu ma grand-mère et ma tante, qui se sont débrouillées pour faire venir la petite », raconte Pierre Grunberg, le frère aîné, 17 ans en 1942.

Le lendemain, Jeanne écrit encore à sa mère : « J’ai été appelée au téléphone à sept heures moins vingt par la Feldkommandantur de Mont-de-Marsan pour savoir si je connaissais Mme Durrasen [Darrassen ?], j’ai dit oui et que je l’autorisais à prendre ma petite Nicole. J’espère donc que tout s’est bien passé. Peut-être a-t-elle repris le train ce soir même car le jeudi il est direct pour Paris. J’ai hâte d’avoir de ses nouvelles et savoir comment elle est, ma bonne petite adorée, c’est fou ce que j’ai souffert de cette séparation. A présent qu’elle sera auprès de vous, cela ira mieux. Ne vous laissez pas abattre, ayez du courage. Embrassez mon cher trésor pour sa maman. De gros baisers à ma chère petite maman. Peux-tu, ma petite maman, faire photographier ma petite chérie et me l’envoyer ? ».

Le 2 juillet, après accord des Allemands, Nicole part donc pour Paris rejoindre sa grand-mère Marie, sa tante Andrée, et ses cousins Mayer.

Jeanne et sa fille aînée sont dirigées quant à elles sur le camp de Mérignac le 16 juillet 1942.

Le 17 juillet, au camp, Jeanne écrit : « Nous sommes au camp de concentration de Mérignac. Nous sommes arrivées hier soir vers sept heures et demi, après avoir voyagé en train de Bayonne à Bordeaux. Nous avons passé une très mauvaise nuit, grelottantes sans drap ni couverture. La nourriture est très limitée, juste de quoi s’abstenir [?]. Nous avons besoin de chauds lainages, car si l’été il fait très froid, vous devez vous rendre compte de ce que doit être l’hiver. Je me demande si je pourrai supporter cette vie. Soyez courageuses. Que pensez-vous faire avec ma petite Nicole ? Ne la quittez surtout jamais ! Qu’elle soit toujours en sécurité.

Ma lettre n’étant pas partie, je vous fais savoir que nous partons, Jacqueline et moi, pour une destination inconnue Ayez du courage, je vous en prie. Je vous quitte en vous embrassant tous bien. Dès que ce sera possible, je vous écrirai.

Je vous en supplie de ne pas vous inquiéter ».

Elle envoie un dernier mot écrit dans le train de Mérignac à Paris.

Internées à Drancy le 18, Jeanne et Jacqueline y rejoignent les Juifs arrêtés lors de la Rafle du Vél’ d’Hiv’.

Elles sont finalement déportées de Drancy à Auschwitz le 19 par le convoi n° 7, et déclarées décédées le 24 juillet, mais Jacqueline semble avoir survécu jusqu’au 19 août 1942 (Sterbebücher d’Auschwitz).

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Nicole Grunberg au procès Papon

Nicole témoignera, avec ses frères, au procès Papon en 1997.

Elle est décédée le 9 janvier 2021 à Courbevoie (92).


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