Il y a 80 ans : l’explosion du « train de Laluque »

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Le 27 juillet 1944 vers 19h35, de formidables explosions se font entendre à des kilomètres à la ronde autour du village de Laluque, à une quinzaine de kilomètres au nord de Dax (certains croient même à un débarquement allié sur la côte landaise !). Une colonne de fumée noire monte dans le ciel.
C’est un train d’armes et de munitions allemand qui a explosé en gare de Laluque (Laluque-Sud), résultat d’un audacieux sabotage effectué par un résistant, qui a agi seul : Henri FERRAND, 24 ans, instituteur.
A Taller, à une dizaine de kilomètres à l’ouest de Laluque, l’armée allemande dispose d’un dépôt contenant un énorme stock d’armes et de munitions (le 2e plus important en France). Installé dans la forêt (lieu-dit Trois Parcs), il abrite de nombreuses pièces d’artillerie de marine, des canons, fusils, et de grandes quantités de poudre, destinés à la défense du « Mur de l’Atlantique ». Le dépôt, isolé dans la forêt est facile à garder.
Pour la Wehrmacht, ce dépôt est alors d’une importance capitale. En Normandie, un mois après le débarquement, les armées alliées se heurtent à une résistance acharnée des Allemands, dont l’état-major réclame d’urgence armes et munitions à destination de ses troupes basées à l’arrière du front. Il est donc ordonné l’acheminement depuis la gare de Laluque vers Rennes d’un stock d’armement de ce dépôt. Le convoi, long de 69 (ou 70, ou 45, ou 32) wagons est constitué entre le 24 et 27 juillet 1944, le départ est prévu pour le 27 à 21 h. Mais étant donné le faible débit de la petite voie ferrée entre Taller et Laluque, les wagons doivent stationner un certain temps en gare de Laluque, ce qui va permettre le sabotage.

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Depuis le débarquement, les différents groupes de résistants ont reçu de Londres des consignes pour déclencher les vagues de sabotages ayant pour objectif de couper l’envoi de renforts vers la Normandie et le nord de la France. Les sabotages se multiplient donc sur les voies ferrées, les ponts, les lignes téléphoniques, télégraphiques ou électriques.
Léon des Landes donne l’ordre de neutraliser le train, et c’est le groupe de résistants de Pontonx du groupe de Pontonx (Libé Nord-Armée Secrète, chef : Robert LABEYRIE) qui est désigné pour l’empêcher de quitter Laluque en bloquant la voie ferrée.
Henri FERRAND est né le 4 juin 1920 à Gamarde-les-Bains, dans le chalet numéro 22 dit de Tenduré ou Yoguelèbe, passage à niveau sur la voie ferrée Dax-Saint-Sever, où ses parents (Emile Ferrand et Anna Labarrière) étaient cantonnier et garde-barrière depuis 1914.
Il intègre l’Ecole normale d’instituteurs.

ferrand henri sabotage laluque


Pendant la guerre, Henri Ferrand est classé inapte pour le STO grâce à un certificat médical de complaisance, mais est interdit d’exercer son métier d’instituteur et est requis pour travailler à l’entretien des voies ferrées. Résistant depuis octobre 1943, il est très bien placé pour surveiller les mouvements de trains du dépôt de Laluque. Il transmet à Alger un plan du dépôt ferroviaire et observe, à partir du 24 juillet, les wagons qui arrivent vides, puis reviennent pleins de Taller. Le convoi en formation est surveillé par une vingtaine d’Allemands.
Vers 17 heures ce 27 juillet, les 32 wagons chargés de munitions qui se trouvent en gare de Laluque sont mitraillés par deux avions anglais, sans dommages.

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La gare de Laluque

Le groupe de Pontonx (et celui de Dax) lui a procuré deux pains de plastic et deux crayons détonateurs à retardement de deux heures (qui se déclencheront un peu plus tôt que prévu…) qu’il a rangés dans une musette (« à côté du casse-croûte »). En ce 27 juillet, comme chaque jour depuis le 24, il se rend à la gare à 18 h. C’est là qu’il voit sur le panneau que le départ du train est prévu le soir même à 21 h. Que faire ? Il se cache dans les WC pour armer les détonateurs de ses deux bombes.


Heureusement qu’il n’y en avait aucun de défectueux… On aurait pu me ramasser avec une cuillère à café ! Je n’ai pas pensé à tout ça !

Il se mêle ensuite à la foule des passagers sur le quai, et doit patienter une demi-heure pour gagner la voie de garage où stationne le train, en déjouant la vigilance des quatre soldats patrouillant autour des rames du convoi.

Alors, à un moment donné, le type, au lieu de revenir en arrière, il a continué à marcher. Mince ! J’étais tenu ! Le train foutait le camp à 9 h ! Je me dis « Merde, c’est le moment ! ».

Il parvient à lancer un pain de plastic par le vasistas ouvert (car c’était un wagon de poudre) du deuxième wagon, puis la seconde bombe dans le septième wagon, en montant sur le marchepied (« En cas que ça rate !»). Malgré le bruit de la bombe tombant sur des caisses, l’Allemand, qui est à deux pas de lui (il peut voir ses jambes de l’autre côté du train) ne remarque rien.
Mais il est repéré par les trois autres gardes, qu’il n’avait pas remarqués à cause de la courbure du train. Il fait mine de chercher quelque chose par terre, puis de satisfaire un besoin naturel contre un pylône. « Il me fixait, il regardait, il chatouillait son arme », mais Henri Ferrand, mètre par mètre, parvient à se glisser entre une pile de traverses et de la ferraille.
Il se mêle ensuite au flot de voyageurs et repart chez lui où il se change et enterre ses habits, grimpe sur son vélo et se rend à Pontonx, au Café des Arènes, tenu par Hélène, sa future épouse, où il retrouve Augé et Callian, résistants du groupe de Dax.

« Un verre de vin blanc pour calmer nos nerfs. A peine attablés, soulagement… les explosions commencent ».

La première explosion intervient à 19h35, l’incendie se propage vite à l’ensemble du train, allumant la série d’explosion qui se termine à 1h du matin. Seul 12 wagons échappent au désastre et sont détachés, sur ordre des Allemands, par les hommes d’une locomotive qui venait de quitter le dépôt de Taller avec les treize derniers wagons destinés à compléter le train.
Durant la nuit, Henri Ferrand retourne à la gare pour prendre son poste afin de ne pas éveiller les soupçons. Il aide à lutter contre le feu de forêt que l’explosion a provoqué, et, en qualité d’auxiliaire requis par les Allemands, il participe même à la réparation des voies !
La population interrogée par la Gestapo affirmera que l’explosion avait été provoquée par les deux avions anglais qui, vers 17h, avaient déjà mitraillé les wagons.


Les dégâts sont considérables. Les abords de la gare de Laluque ressemblent à un champ de ruines, la gare et le hall des marchandises sévèrement endommagés (la gare sera d’ailleurs détruite), un morceau de rail est venu se planter dans le mur de sa maison à 150 mètres de là. 21 wagons ayant contenu des munitions ont été entièrement détruits, 50 incendiés.
Sur les voies de garage toutes les caténaires ont été détruites, 500 mètres de voies sont inutilisables, quatre voies de garage arrachées, Seules les voies principales furent remises en état après une semaine de travaux, pour le reste…
Il n’y eut aucune victime… sauf quelques volailles calcinées.

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Croquis issu d’un rapport de gendarmerie – AD40


Radio Londres annonça la destruction du train de munitions le 30 juillet. Ce sabotage a empêché l’artillerie allemande de recevoir les munitions qu’elle attendait et facilité la « percée d’Avranches », qui permet au général Patton d’enfoncer enfin les lignes allemandes sur le front de Normandie (Avranches est prise le 30 juillet, Rennes le 4 août). Ce dernier écrivit dans ses Cahiers de guerre que « La destruction du train de Laluque a provoqué avec le maximum d’opportunité l’asphyxie de l’artillerie allemande qui ne put s’opposer au franchissement de la Sélune (Avranches) par 100 000 hommes et 15 000 véhicules de l’armée américaine ».
Churchill lui-même dira qu’il s’agissait là de « l’un des sabotages les plus spectaculaires de l’été 44 ».
Henri Ferrand participe ensuite à plusieurs autres sabotages en août, les Allemands ayant essayé d’acheminer vers le Nord ce qui restait d’armes et de munitions à Taller (en désespoir de cause, les Allemands feront sauter le dépôt de Taller).

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Rapport de police

Il prend ensuite part aux combats de la Libération (« La Pince » à St-Paul-lès-Dax, Castets, Pointe de Grave). Il s’engage en effet au 34e R.I.


Il est décoré de la Médaille de la Résistance en 1946, de la Croix de Guerre en 1947, et fait chevalier de la Légion d’Honneur.
Henri Ferrand a été instituteur à l’école primaire Gousse, puis de Préchacq-les-Bains, de 1957 à 1968, occupant également le poste de secrétaire de mairie.
Il est décédé le 23 mars 1992 à Dax.
La place devant l’ancienne gare désaffectée a été baptisée « Place du 27-Juillet-1944 ».


Sources

https://landesenvrac.blogspot.com/2010/01/le-sabotage-de-laluque-en-1944.html

Mabille (J.-P.), « Les trains du Marensin. Section de Laluque à Linxe  et son prolongement jusqu’à St-Girons », Mémoire en Marensin n° 20, pp. 117-144, 2009

https://france3-regions.francetvinfo.fr/nouvelle-aquitaine/landes/27-juillet-1944-histoire-d-un-sabotage-decisif-dans-les-landes-523751.html