Il y a 80 ans : Combats dans la région d’Aire-sur-l’Adour

Publié le Évènements

Après l’annonce du débarquement, les groupes de résistants de la région d’Aire-sur-l’Adour décident de passer à l’action armée.

Le lundi 12 juin au soir un camion allemand transportant une dizaine de militaires venus de la base aérienne de Mont-de-Marsan est annoncé par le groupe de résistance de Grenade (M. Vielle).

Milleret alias Carnot, du Corps Franc Pommiès (O.R.A.), qui se trouve à Aire pour une réunion avec des hommes des Corps Francs de la Libération (A.S.) (chef Albert Broqua), décide d’attaquer le véhicule.

C’est ce qui est fait vers 22 h à l’entrée du pont sur l’Adour. Les Allemands ouvrent alors le feu, deux civils qui prenaient le frais sur des bancs sont victimes de balles perdues et mortellement blessés : Henri PLAA (71 ans, hôtelier à l’Hôtel Terminus, qui décèdera le lendemain matin) et Jean SARRADE (77 ans).

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Stèle du pont sur l’Adour à Aire (Wikipédia)

Le camion ayant fait demi-tour, est à nouveau accroché au carrefour des N134 et N124. Trois ou quatre soldats, blessés, sont faits prisonniers (l’un d’eux décèdera), tandis que les autres fuient à pied en direction de Grenade, où ils seront attaqués dans la nuit par le groupe de René VIELLE.

La répression, comme à Grenade, était inévitable. Les résistants et une partie de la population évacuent la ville dans la nuit.

Dès 8 heures le 13, ce sont 130 à 140 « Gebirgsjager » venus de Pau qui investissent la ville par le sud et l’est (le groupe venu de Mont-de-Marsan, a fait demi-tour pour effectuer une opération de représailles contre la ville de Grenade).

Sur leur chemin (commune de Barcelonne-du-Gers), ils abattent Pierre LAGARDE (32 ans, ouvrier aux usines Potez, des C.F. Pommiès Groupe Carnot), qui rejoignait le maquis de St-Mont à bicyclette, une mitraillette en bandoulière, puis tirent sur une camionnette transportant vers Viella 5 résistants du M.N.R.P.G. (Mouvement National de Résistance des Prisonniers de Guerre). Yvette SOURDOIS (24 ans), qu’ils avaient prise en charge avec son enfant de 13 mois pour aller chez ses parents, est mortellement touchée. Son mari Alejandro ECHEVERRIA et son frère Robert SOURDOIS, qui suivaient à bicyclette, sont interceptés. M. ECHEVERRIA est autorisé à recueillir son enfant (ils seront ensuite libérés grâce à l’intervention du maire MÉRICAM). Peu après, c’est Marcel STOUVENEL (27 ans, ajusteur), du groupe C.F.L. de Barcelonne, qui est arrêté, armé. Il sera fusillé le soir à 2,5 km au nord de la ville, avec Joseph RICARRÈRE (26 ans, gardien au camp de Mestade à Aire), suspecté par les Allemands. Ils durent creuser leur propre tombe.

Un autre groupe d’Allemands se dirigeant vers Barcelonne blesse un civil (ouvrier à la Minoterie) et abat Paul FANLOU (54 ans, ouvrier-marbrier, résistant au Corps Franc Pommiès,) et Joseph MOULIA (44 ans, capitaine des Gardes Mobiles, résistant au Corps Franc Pommiès), qui fuyaient Aire.

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Stèle Barcelonne-du-Gers

Plus loin vers Aire, sur l’actuelle D39, les Allemands mitraillent un camion des Etablissements Bernard (Transports des Bois Landais) qui emmenait 9 résistants appartenant au Corps Franc Pommiès (Groupe Carnot) à St-Mont. La cuve du gazogène, trouée, communique le feu au véhicule. Un seul des hommes parvient à s’échapper. Les victimes sont Joseph FABÈRES (40 ans, chauffeur aux Usines Potez, d’Aire), Jean-Baptiste LABORDE (57 ans, journalier, d’Aire), Jean René LAFFITTE/LAFITTE (28 ans, boulanger chez Bayle, de Barcelonne), Jean-Baptiste LOUSTAUNAU (36 ans, garçon de café, domicilié à Pau), Jacques Gabriel Guy RICHARD (19 ans, employé aux usines Potez, d’Aire), Gaston SCHWANDER (27 ans, sous-officier, d’Aire, résistant), Michel Aimé SOREL (24 ans, boucher, d’Aire) et René STAEDELIN (29 ans, chauffeur-mécanicien, d’Aire).

Un autre civil, Marcel LIMARGUES (49 ans, négociant) est tué un peu plus loin.

La ville est investie vers 9 h 15. Au cours des perquisitions et fouilles, Mme William est blessée à la poitrine par une décharge de fusil-mitrailleur tirée à travers la porte (elle sera opérée). Le maire René MÉRICAM, accompagné d’un chef de bureau de la sous-préfecture, intervient auprès des Allemands pour éviter des représailles trop sévères. Ceux-ci récupèrent leurs blessés de la veille, qui ont été soignés à l’hôpital (au Collège de jeunes filles ; l’un d’eux enverra même une lettre de remerciements après la guerre au médecin Péré), alors que dans les greniers se trouvent des résistants également blessés la veille…

L’état de siège est proclamé, le couvre-feu établi à 21 h. Une proclamation doit être affichée dans la ville par le maire :

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Proclamation des autorités allemandes

Dans l’après-midi, des canons et mitrailleuses sont installés à tous les carrefours, le pont est fermé à chaque extrémité par des barrages. Des suspects sont arrêtés et amenés au centre de commandement de l’opération, installé à l’Hôtel Terminus.

Deux jours plus tard ont lieu les obsèques militaires du soldat allemand, en présence du maire. Les Allemands annoncent lever l’état de siège et quitter la ville.

Le bilan est de 17 morts.

Une autre opération sera menée par les Allemands à Aire les 25 et 26 juin, entraînant l’arrestation de 15 personnes (dont le maire). La Résistance (Groupe Carnot) avait en effet arrêté trois collaborateurs notoires. Jugés au maquis de St-Mont, deux d’entre eux avaient été fusillés. Internés au Fort du Hâ à Bordeaux, 5 aturins sont déportés (par le « Train de la mort », parti de Toulouse le 3 juillet, passé par Bordeaux début août, arrivé à Dachau le 28 août) Paul (qui parviendra à s’échapper) et Raoul ARDURAT (30 ans, transféré au kommando de Güsen (Mauthausen), où il décède le 16 janvier 1945), Joseph/Firmin BAZOT (38 ans, transféré au kommando de Melk (Mauthausen) le 14 septembre, où il décède le 17 novembre 1944), Gabriel/Joseph PERPIGNA (33 ans, décédé le 7 mars 1945 au « revier » de Dachau) et Jean SAINT-BLANCARD (36 ans, affecté au kommando de Melk, libéré le 5 mai 1945, il meurt le 8 juin à Paris).

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Certificat de décès de Gabriel PERPIGNA – Archives Arolsen

A Samadet et Geaune, c’est le 30 juin que les Allemands mènent un raid de répression (2 blessés, dont un mortellement, André CAZENAVE, 13 hommes arrêtés).

Enfin les Allemands mèneront une opération qui aboutira, le 3 juillet, à l’attaque directe du PC du Corps Franc Pommiès à Portet (Pyrénées-Atlantiques), et qui se soldera par un terrible bilan : 16 ou 22 F.F.I. du Corps Franc Pommiès tués (dont Albert BIANCHI, Daniel DUCOURNAU, Georges DUFAU, son neveu, Marcel GERENTES, Gabriel LAFFARGUE, Léon LISSE, Jean-Marie MAURY et Alban TÉCHENÉ, Landais ou domiciliés dans les Landes), ainsi que 5 civils. 38 ou 40 maquisards faits prisonniers seront massacrés au Champ de tir du Pont-Long (à Lons, Pyrénées-Atlantiques), parmi lesquels de nombreux Landais (Marcel CLAVÉ, Maurice DARENNE ?, Roland DELOI, Porfidio DIEZ ALCALDE, André DUPOUY, Jean DUPRAT, Georges DURAND, André ESCOUBET, Gilbert FAUTOUS, Georges GARDESSE, Charles LABAT, Jean MAMOUSSE, Marcel MISSOTTE, Marc MOUGNÈRES, Guy RAYMOND, Jean SIZAURY ?, Raymond WANNER).

La répression se poursuit le 26 juillet à Viella (14 victimes, dont Robert ALLAVENA, Gustave HENGY, Ernest LIBIS, Charles TISON, Landais ou domiciliés dans les Landes) et St-Mont (Gers), le 3 août à Maulichères, etc.

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Stèles commémoratives de la région d’Aire – Victimes du 13 juin (C.P.R.D.)

Sources :

Archives du C. P. R. D.

https://maitron.fr/spip.php?article249300