Le 28 juillet 1944 à 11 heures avaient lieu en l’église de la Madeleine les obsèques d’Alfred BASCLE, membre de la Milice Française, un organe collaborationniste.
Alfred BASCLE est né en 1894 à St-Martin-de-Ré (Charente-Maritime), son père exerçait les métiers de colporteur, commis de commerce, puis « artiste lyrique » itinérant, la famille finissant par se fixer à Bordeaux (il a 8 frères et sœurs).
Exerçant la profession de maçon à Anglet, il est mobilisé au 49e RI en 1914, puis dans le Génie (1917). Il est après la guerre électricien, se marie en 1925 (7 enfants en 1937), travaille à la Ville de Bordeaux, habite Mérignac. Retraité, il est volontaire pour travailler en Allemagne avec un de ses fils et une de ses filles. Il vient habiter Mont-de-Marsan dès décembre 1942 (Allées Brouchet), car il est ouvrier-mécanicien (alias mécanicien-chef) à la base aérienne de la Luftwaffe. Il est membre du Rassemblement National Populaire (un parti collaborationniste), de la Milice Franciste dès sa formation en mars 44, chef de dizaine de la Franc-Garde permanente de la Milice des Landes en juin 44.
Deux des mouvements collaborationnistes ont une certaine influence dans les Landes. Le Parti Populaire Français (P.P.F.), qui compte entre 500 et 600 inscrits, et le Parti Franciste, dirigé dans les Landes par Maurice Baubiet, qui compte 350 inscrits, mais il semble que seuls 30 d’entre eux sont considérés comme des militants actifs et convaincus. Ils parviennent toutefois à constituer une milice en mars 1944, face à l’imminence de la Libération.
Leur manque d’implantation populaire explique leur faiblesse relative dans le département. De même, la Milice est elle aussi peu active dans le département, puisque l’on ne recense à la Libération que 37 miliciens, dont la plupart ne sont d’ailleurs pas originaires du département.
L’année 1944, à mesure que les Alliés progressent dans leur lutte pour la libération de l’Europe, est marquée par une « fascisation » du régime de Vichy, ainsi que sa satellisation par les Allemands, avec la nomination au gouvernement de Joseph Darnand, chef de la Milice. Cette période est marquée par de multiples exactions (exécutions sommaires, massacres, pillages, etc.).
Le 26 juillet 1944 Alfred BASCLE part en expédition, avec ses camarades Laffitte et Morsch, pour réquisitionner un véhicule à Roquefort (car le propriétaire n’en aurait pas déclaré les pneus). La Simca 5 des miliciens tombe en panne à Roquefort, et Hubert Croharé retient Bascle et son chauffeur à déjeuner. Il en profite pour prévenir le groupe de résistants, et un guet-apens est mis en place par Robert Lamoulie et Claude Chastanet.
Sur le chemin du retour, vers 15 heures, les miliciens tombent dans une embuscade à mi-chemin, à Pouydesseaux (côte de Hounterolle). La 2e voiture, où il se trouve, est attaquée par les deux hommes (on parlera ensuite de six hommes, Laffitte d’une trentaine…) surgis des fossés.
Bascle réplique pendant que Lafitte accélère. Bascle est abattu d’une rafale dans le dos, Lafitte est légèrement blessé (il aurait fait le mort pour échapper à ses « agresseurs »). Le réservoir de la voiture ayant été percé, elle tombe en panne quelques kilomètres plus loin. Laffitte se rend à pied jusqu’au Caloy et prévient par téléphone le chef départemental de la Milice Lerède. La région est ratissée par ses hommes et des Allemands, et le soir une ambulance vient chercher le corps d’Alfred BASCLE.
Au même moment, à quelques kilomètres de là, au Café Cadillon à Lucbardez, avait lieu une importante réunion de chefs de la Résistance (Léon des Landes, Lamarque-Cando, Béziat…).
Il est enterré le 28, son cercueil, recouvert du drapeau tricolore, est porté par de jeunes miliciens, accompagné de leurs chefs (Lerède, Pujol, Marchand, Falgueyret), et en présence des autorités françaises (le préfet Gazagne, qui fait déposer une gerbe, le secrétaire général et le chef de cabinet, le maire Larrieu, l’Inspecteur National de la Milice, le délégué du Parti Populaire Français) et allemandes (des représentants du général feldkommandant et du chef de la Police allemande de sûreté, ainsi qu’un détachement de troupes).
Quelques jours plus tard, Laffitte est accusé par le terrible Lerède de complicité dans la mort de BASCLE (il s’agit sans doute d’une dénonciation calomnieuse, une vengeance d’un de ses « camarades » miliciens). Il est séquestré, frappé et torturé à son domicile pendant plusieurs jours, Lerède va jusqu’à lui tirer dessus (Laffitte devra nettoyer lui-même le sang sur les murs et le plancher…). Lerède violente même la femme et la fille de BASCLE, chargées d’apporter à manger à Laffitte.
Sa fille Pierrette Bascle, 18 ans, franc-garde à la Milice des Landes, fréquente un militaire allemand de la Luftwaffe, qui lui procure un emploi à l’asile Ste-Anne. Elle le suit lorsqu’il est muté à Bordeaux en juin 1944. Arrêtée à Agen le 24 septembre, elle est jugée le 22 janvier 45 par la Chambre civique de Mont-de-Marsan.