Marcel Lerède
Aux obsèques du Milicien Bascle (1944)

Marcel Lerède

Marcel Lerède est né le 4 mars 1901 à Brest (Finistère), fils de Maurice, (né à Rochefort, Charente-Maritime) voilier, agent technique de la Marine (agent des Travaux Maritimes), et de Maria Suire. 

La famille habite Rochefort en 1911.

Employé en chapellerie à Joinville, Marcel Lerède fait son service militaire d’avril 1921 à mai 1923 au 154e R.I (dans le Nord-Est), puis au 18e Régiment de Tirailleurs Algériens (occupation de l’Allemagne), obtenant le grade de sergent-major.

Son père, alors charpentier à Caen, décède à Paris en 1924.

Il a pour compagne dès 1921 Alphonsine Le Breton (née en 1885, veuve, caissière à Epinay, ils se marient le 2 août 1926 à Paris XVIIIe).

Domicilié dans le XVIIIe arrondissement, impasse du Cadran , vendeur chez Léger, puis chez Segrest (chapelier), il est dans les années 30 membre des Croix de feu, et, potentiellement, de la « Cagoule ».

Il est rappelé en activité en septembre 1939, au 5e R.I.C. (Bourges), promu adjudant le 1er mars 1940.

On le retrouve chapelier à Poitiers en août 1942. Il est secrétaire départemental de l’éphémère Légion Tricolore, section de la Vienne, intégrée ensuite à la Légion des Volontaires Français, d’août 1942 (probablement) au 20 mai 1944, date à laquelle il arrive à Mont-de-Marsan pour être nommé chef départemental de la Milice Française des Landes.

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Des Miliciens effectuant un contrôle

Les rapports avec les autorités sont tout de suite houleux, notamment avec le préfet et les forces de police, qui protestent contre les moyens dont use Lerède, sans base légale. On peut également le soupçonner d’être responsable de l’arrestation du sous-préfet de Dax (Courtot) par les autorités allemandes, en juillet 1944. Quelques semaines auparavant, Courtot avait prévenu Lerède que si son attitude ne changeait pas, il en informerait Philippe Henriot, qu’il connaissait bien. Le sous-préfet fut rapidement relâché.

Les membres de la Milice de son entourage décrivent par ailleurs un homme souvent « entre deux vins », peu apprécié de ses hommes en raison de son comportement brutal, en particulier vis-à-vis des jeunes recrues.

Malgré le peu de moyens à sa disposition, son activité est incessante, mais il ne semble pas avoir résolu d’affaires très importantes liées aux résistants :

– Arrestation du gardien de la paix André Monségur, à Mont-de-Marsan, le 11 juin 1944, pour relations avec le maquis.

– le 11 juin 1944 également il réquisitionne deux policiers pour se rendre au domicile du nommé Malassan, mais ce dernier a déjà pris la fuite. Il ordonne une surveillance de sa maison par la police.

– le 4 juillet, cinq miliciens (Lerède, Pernet, Billaud, Laffitte et Morsch) réquisitionnent une importante quantité de foie gras chez le restaurateur Bats (qui se livrait au marché noir), à Villeneuve-de-Marsan.

– le 10 juillet, pillage en règle de la villa de Léonce Dussarrat à Dax, ce qui donnera lieu à des protestations officielles du sous-préfet Courtot.

– dans la nuit du 13 au 14 juillet à Dax, arrestation de M. Cazenave (contrôleur des contributions indirectes). Lerède avait réquisitionné un gardien de la Paix qui rentrait de ronde. M. Cazenave sera libéré tôt le matin.

– Le 12 juillet, à Saint-Yaguen, la Milice et la Feldgendarmerie pillent la ferme du Grangé (dont la propriétaire, son fils et un employé, soupçonnés d’aide à la Résistance, sont arrêtés par les Allemands). Les denrées et le bétail seront répartis entre les mairies de Saint-Yaguen et Mont-de-Marsan. Lerède, sa femme et sa fille, Morsch et Dimier (inspecteur national de la Milice, de passage dans les Landes) participent à l’opération.

– le 22 juillet, avec l’appui de forces allemandes et du SD, la Milice fait une descente à Saint-Sever, à la recherche de dépôts d’armes et de suspects. Au moins huit personnes sont arrêtées, toutes relâchées le 2 août au plus tard.

– le 23 juillet, arrestation de l’espagnol Emilio Merino, sous inculpation de terrorisme. Son père (Horacio) qui tente de s’interposer est frappé par Lerède et poussé à terre. La Milice revient plus tard chercher le père pour l’amener au siège de la Milice. A peine entré dans le bureau de Lerède, ce dernier lui décoche un grand coup de pied dans les reins. Horacio tombe à la renverse, et Lerède se penchant par-dessus lui le gifle à plusieurs reprises. Il le remet debout, et lui demande de lui indiquer où se trouvent les « terroristes et criminels » sur la commune de Roquefort. Il sera gardé deux jours au rez-de-chaussée de la Milice, dormant sur une chaise. Il est ensuite remis à la police, qui le libérera à la Libération. Le fils, Emilio, fut aussi l’objet de brutalités de la part de Lerède, mais remis rapidement au SD et écroué au fort de Hâ jusqu’à la Libération.

– le 30 juillet, perquisition chez un particulier de Mont-de-Marsan (Raymond Lavariaz), malade et alité, qui est brutalisé à coups de poings, de pied et de gifles pendant dix minutes. Son fils de 14 ans qui tentait de s’interposer est lui aussi giflé et menacé du revolver de Lerède. Ce dernier déclare à Lavariaz que s’il se plaignait de la Milice auprès des autorités, il serait « passé au poteau ». Le domicile est fouillé, 10.000 francs sont volés ainsi que des coupons d’habillement.

Plus tard dans la soirée Lerède et ses hommes se rendent chez un autre particulier de la ville, Joseph Berry. L’homme reçoit des gifles, ainsi que sa femme. Leur fille qui tenait son bébé s’évanouit à la vue des miliciens armés. De nombreux effets et de l’argent liquide sont dérobés. Lerède menace Berry de le tuer s’il le rencontrait en ville (ce dernier préféra se cacher à la campagne pour se mettre en sécurité).

Encore plus tard dans la soirée, ils se rendent chez Jean Gimenez et sa famille, soupçonnés d’héberger et ravitailler des maquisards. De nombreuses denrées et objets sont saisis. Gimenez ayant averti qu’il se plaindrait auprès du commissaire, Lerède lui déclare que « s’il fait ça il le descendra ainsi que toute sa famille », tout en lui assénant un violent coup de poing dans l’estomac, ajoutant « Estime-toi heureux, sale race de gitan, que je ne te colle douze balles dans la peau ou que je ne t’envoie dans un camp de concentration ». Enfin, Lerède lui ordonne d’apporter 50.000 francs au siège de la Milice le mercredi suivant, argent qui serait versé aux familles des victimes de « terroristes ». Gimenez se rendit comme convenu à la date indiquée, mais sans l’argent, ne disposant pas de cette somme. Lerède le laissa partir, non sans avoir proféré des menaces contre sa famille.

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Enterrement du Milicien Bascle, exécuté par la Résistance (26 juillet 1944) (devant le siège de la Milice, 33 rue Victor Hugo, actuel Hôtel du département)
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Obsèques du Milicien Bascle (Lerède est à droite)

Le 11 août, afin d’assurer sa fuite, la Milice réquisitionne sous la menace la voiture du garagiste Pédarré (Lerède multipliait les réquisitions abusives depuis le début du mois notamment).

Il ferme les locaux de la Milice le 15 août et prend la direction de Bordeaux, en compagnie de quelques miliciens et leurs familles (une vingtaine de personnes). Il suit les troupes allemandes dans leur retraite jusqu’en Allemagne.

Il est condamné à mort par contumace par la Cour de justice des Landes le 12 mars 1945 et par celle de la Vienne le 25 juillet 1945 (ainsi qu’à la dégradation nationale et la confiscation de ses biens). Vivant dans la zone d’occupation américaine en Allemagne, il est arrêté à Baden, son extradition sera demandée, mais sans succès. Son destin futur est inconnu, mais son épouse décède en 1976 à Varese (Italie)…

Paulette, sa fille, née le 21 décembre 1921 à Paris XVIIIe, est sténo-dactylo de la Milice (juillet-août 44) et franc-garde. Elle portait toujours un revolver 6/35 dans son sac.

Alors en fuite, elle est condamnée par la Cour de Justice des Basses-Pyrénées le 25 juin 1946 pour intelligence avec l’ennemi à un an de prison, à la dégradation nationale à perpétuité et la confiscation de ses biens.


Documents


Sources

Bouysse (G.), Encyclopédie de l’Ordre Nouveau. Histoire du S.O.L., de la Milice Française & des mouvements de la Collaboration, volume 10 (Basses-Pyrénées Zone nord et Landes).

Archives du C.P.R.D.

Archives Départementales des Landes