Né le 31 janvier 1880 à Tartas, fils de Louis, négociant, et de Jeanne Bordes, ménagère, il entre au séminaire en 1897, puis est ordonné prêtre du diocèse d’Aire et Dax en 1904. Il officie à Mont-de-Marsan jusqu’en 1908 au poste de vicaire à la Madeleine, ville où il anime l’Étoile Montoise et rencontre Cel le Gaucher, dessinateur à la « Française » et à « La Jeunesse landaise ». Il est ensuite nommé à Fargues jusqu’en 1912. Avant la guerre de 1914-1918, il est aumônier du pensionnat Jeanne-d’Arc à Mont-de-Marsan.
Durant la Grande Guerre, l’abbé Bordes est envoyé sur le front, avec le 34e régiment d’infanterie de Mont-de-Marsan, dont il est alors l’aumônier. Dans les tranchées de Douaumont (Verdun), sous les shrapnels, il retrouve « Cecel », touché par des éclats d’obus.
Deux fois blessé, devant Douaumont en mai 1916 et à Vauxaillon le 24 septembre 19181, titulaire de la Légion d’honneur et de la croix de guerre avec sept citations, il écrit pour les soldats sa première pièce en 1917 : Cœur de Poilu.
De 1924 à 1932, il est le curé de Gamarde-les-Bains. Il anime la vie culturelle du village avec la JAC et l’association La Tricolore, crée la salle paroissiale pour la pratique de la gymnastique, de la musique et du théâtre, fonde le Couvent avec son dispensaire et son école ménagère, édite le Clocher de Gamarde, organise des fêtes et des tournées, rénove l’église. Il devient directeur des Œuvres et professeur au séminaire de Poyanne, aumônier diocésain des mouvements de jeunesse de l’Action Catholique. En 1936, il est nommé vicaire général et chanoine en 1940.
En juin 1942, à l’annonce de la victoire de Bir-Hakeim, son aide à la Résistance devient plus active. S’il n’a pas encore décidé à être un hors-la- loi, il commence, cependant, à se rendre compte des avantages qu’il pourrait y avoir aux actions clandestines, lui qui a formé tant de jeunes et qui se trouve, naturellement au centre d’un vaste réseau d’amitiés et d’estimes réciproques. Après un long combat intérieur, l’abbé Bordes se décide au cours de l’été 1943 et devient informateur du Service des Forces Combattantes Françaises. Le 1er août 1943, sous le pseudonyme d’ailleurs transparent de Saint-Père, il adhère au réseau Alliance, avec le grade de lieutenant.
Le parcours de l’abbé Bordes, du pétainisme vers la Résistance n’est certes pas celui de la majorité des responsables de l’Église. Il remet cependant en cause l’affirmation lapidaire de François Mauriac qui écrivait qu’« entre autres privilèges, la France de 1943 bénéficie de l’épiscopat le plus timoré du monde».
L’abbé Bordes, transforme sa maison en centre émetteur pirate, déjouant les tentatives de détection allemandes.
Le drame survient rapidement, quelques mois seulement après son entrée — officielle — dans la Résistance. Les faits sont sans équivoque possible. L’abbé Bordes a tenu un journal de captivité qui nous est parvenu grâce au Chanoine Hett, curé de Maisongoutte dans le Bas-Rhin. De plus les témoignages sont si nombreux et si convergents qu’ils ne laissent subsister aucun doute. Cependant, l’historien ne peut qu’être surpris par le déroulement de ces événements, s’il ne tient pas compte du caractère à la fois courageux, résolu et même téméraire de l’abbé Bordes. Il semble, en effet, aller quasiment au-devant, d’abord de l’arrestation, puis de la déportation et enfin de la mort.
La tragédie débute le 7 décembre 1943. La Gestapo, sur dénonciation, arrête à Bordeaux les participants à une émission de radio clandestine, parmi lesquels figurent Fanfan Laborde et Soussotte (qui font partie du groupe de l’abbé Bordes). Dans les papiers de Laborde, on retrouve un agenda qui renferme la mention « en cas de malheur, prévenez l’abbé Bordes ». Celui-ci, mis au courant dès le lendemain, part pour Paris le 13 décembre 1943 et tente de faire libérer ses deux compagnons. Il s’y rend officieusement, sans en référer à son évêque Mgr Mathieu, et dans le train du retour, le 15 décembre, il est victime d’un vol mystérieux de documents secrets qu’il possédait sur lui.
Le samedi 18 décembre vers 11 heures du soir, trois agents de la Gestapo surgissent à son domicile (au 6 de la place Lonné, aujourd’hui place du Chanoine Bordes) et l’arrêtent, après une fouille minutieuse de son bureau, sans lui laisser le temps de prévenir ses amis. Il est emmené à Bayonne, puis au fort du Hâ à Bordeaux le 21, en compagnie du révérend père Hondet et du père Grégoire, tous deux de l’abbaye de Belloc. Le 16 janvier 1944, il est transféré à Compiègne pour être acheminé à Weimar le 29 janvier, accompagné de Fanfan Laborde (qui meurt quelque temps après) et des deux abbés de Belloc. Il séjourne ensuite à Buchenwald tout le mois de février et est transféré à Offenburg le 9 mars, puis à Gaggenau le 27 octobre. Durant cette période, il fait l’horrible apprentissage de l’univers concentrationnaire et subit tortures et travaux forcés. Son journal de captivité reste un témoignage capital et bouleversant de la réalité des camps nazis. Il est fusillé à Gaggenau le 30 novembre à 17 heures, avec tout le réseau Alliance, puis son corps sera jeté dans une fosse commune à Ottenau.
L’abbé Bordes repose selon sa volonté sous le porche de l’église de Gamarde.
Son nom figure sur les monuments aux morts de Dax et Gamarde, sur la plaque commémorative à sa mémoire à Dax (Landes), sur la plaque commémorative apposée sur sa maison natale, à Tartas et sur la plaque commémorative du réseau Alliance à l’entrée de la base sous-marine, à Bordeaux (Gironde).
Une rue de Saint-Paul-lès-Dax porte son nom ainsi qu’une maison de retraite et une rue de Gamarde-les-Bains, une place de Mont-de-Marsan et une avenue de Montfort-en-Chalosse.
Sources :
Fusillés 1940-1944 (Maitron des fusillés), notice BORDES Marie François Joseph par Jean Louis Ponnavoy, version mise en ligne le 1er août 2016, dernière modification le 12 mars 2020 https://maitron.fr/spip.php?article182946.
ADOUMIÉ, Vincent. « L’Action catholique et la Résistance dans les Landes : l’exemple de l’abbé Bordes » In : La Résistance et les Français : Enjeux stratégiques et environnement social [en ligne]. Rennes : Presses universitaires de Rennes, 1995 (généré le 25 mars 2022). Disponible sur Internet : http://books.openedition.org/pur/16364.