Camille Bouvet est né le 29 janvier 1903 à Gujan-Mestras (Gironde), fils de Jules et de Catherine Dignac, époux de Magdeleine Gailhac. Il était père de deux enfants, Marie-Thérèse et Jacques.
En 1930, il succède à son père comme notaire à Dax.
Mobilisé au 2e bureau à Toulouse, il ne peut, à l’armistice, accepter l’humiliation de la défaite. Signalé au commandant Loustaunau-Lacau, fondateur du réseau » Alliance « , il accepte d’être, dès octobre 1940, le relais du réseau dans les Landes, qu’il devait tenir (jusqu’à son arrestation) avec une équipe d’amis sûrs. La ville de Dax, à petite distance de la frontière espagnole et de la ligne de démarcation, est un point stratégique pour le réseau Alliance. Camille Bouvet joue le rôle de » boîte aux lettres « , allant chaque semaine en zone non-occupée pour assurer la transmission du courrier, entre Hagetmau et Orthez, et il établit, à bicyclette, de nombreuses liaisons de renseignement avec Pau. Ses fonctions de notaire et ses activités de chasseur facilitent ses déplacements, il connait la région. Il héberge aussi des agents, des prisonniers de guerre et des Juifs, qu’il aide à rejoindre la zone libre.
Son pseudonyme était ABU 124.
C’est lui qui fait notamment parvenir le plan du port de Saint-Nazaire avec les emplacements des forces navales ennemies, plan qui a été établi quelque temps avant l’attaque de ce port par un commando britannique le 27 mars 1942. Il est aussi l’agent payeur des chefs de l’Intelligence Service et est en contact avec un agent britannique connu sous le pseudonyme » Bla » envoyé par l’Intelligence Service à qui il remet mensuellement l’argent qui lui est destiné.
En novembre 1941, il se met au service du réseau de renseignement Kléber, centralisant les renseignements militaires, employant comme agent de liaison sa sœur âgée de vingt-quatre ans. Celle-ci entre en relation avec le lieutenant Lentz de la Gestapo de Biarritz qui lui fournit des renseignements fabriqués en vue de l’intoxiquer.
Trahi par un agent infiltré des services du contre-espionnage allemand, Camille Bouvet est arrêté le 16 mai 1942 en son étude de Dax (30 cours Foch) par des policiers français qui le livrent à l’Abwehr. Dans le même temps, ce coup de filet permet d’arrêter dix autres membres du réseau Alliance.
Il est rapidement transféré à la prison allemande de Fresnes, en région parisienne (mais sa famille ne l’a su qu’en septembre).
Frappé, torturé, martyrisé par ses tourmenteurs allemands qui l’interrogent, il rentrait des interrogatoires ensanglanté selon son compagnon de cellule, le colonel Delrieu. Il finit par lâcher le nom du chef de réseau, le capitaine Gutenberg, mais en donnant un signalement erroné. Les recherches de la police allemande n’aboutiront pas…
Camille Bouvet comparait le 4 novembre 1942 devant le tribunal du « Gross Paris », rue Boissy-d’Anglas (VIIIe arr.) et est condamné à mort le 7 pour « espionnage », ainsi que huit de ses compagnons : André et Armand Bonnet Armand, Antoine Hugon, Joseph Ornstein, Marcel Pautard , Edmond Poulain, Jean Totuf et Lucien Vallet. Ils sont fusillés le 30 novembre 1942 au Mont Valérien.
Deux heures avant sa mort,Camille Bouvet écrit cette lettre à sa mère:
« Ma chère Maman,
Notre recours en grâce a été rejeté et nous allons être exécutés à 14 heures.
Je te connais, tout ton courage, toute ton énergie et sais que tu supporteras ce nouveau coup en chrétienne et en Française.
Je te confie et je confie à Suzette et à mes frères, en particulier à André, mon dépôt le plus cher, mes deux chers petits. Je sais que tu en feras des chrétiens et des Français dignes de ce nom. Par le testament ci-joint j’ai fait mon possible pour qu’ils ne te soient point enlevés et ne doute pas que tu fasses le nécessaire pour cela.
Je suis, je l’espère, en règle avec le Bon Dieu, je vais encore me confesser et communier tout à l’heure. Puisse le Sacré Coeur m’avoir en sa sainte garde!
J’ai oublié de dire jeudi à André que j’avais une autre assurance vie à la Cie Suisse d’assurances pour la vie humaine. Faites le nécessaire à cet égard. Pour l’étude qui vaut actuellement un gros prix (800.000 F au minimum) vous ferez le nécessaire.
L’aumônier vient d’arriver, je ne sais si j’aurai le temps d’écrire à mes chers petits, embrasse les bien pour moi, élève les dans le culte de Dieu et de la France pour laquelle je meurs.
Remercie mes frères.
Je vous demande pardon pour tous les scandales que j’ai pu vous causer et vous embrasse bien, bien affectueusement comme je vous aime. »
Par décision du 18 novembre 1945, le général de Gaulle le citait, à titre posthume, à l’ordre de l’Armée avec attribution de la croix de guerre 1939, dans les termes suivants :
« Animé d’un ardent patriotisme et méprisant le danger, Bouvet Camille a fait activement partie d’un groupe de résistance, puis a travaillé comme agent au service de renseignements, acceptant d’entrer, pour ce faire, en relation avec des agents ennemis ; arrêté et torturé, a refusé de dénoncer son chef et a été fusillé le 30 novembre 1942, après plusieurs mois de prison, montrant un magnifique exemple de tranquille courage« .
Son corps fut restitué à sa famille le 18 juillet 1947 ; son inhumation eut lieu dans le caveau familial au cimetière de Dax. Une rue de la ville porte le nom de Camille Bouvet, dont le nom figure aussi sur le monument aux morts de la ville et sur une plaque commémorative apposée dans la cathédrale. Déclaré « Mort pour la France », Camille Bouvet recevra la Croix de guerre, la Médaille de la Résistance avec rosette et un certificat de service rendus des Armées alliées signé du maréchal Montgomery (1946).
Le 4 janvier 1949, Henri Queuille, Président du Conseil des ministres, citait Camille Bouvet à l’ordre de la Nation.
Sources :
- Les Amis de la Fondation de la Résistance
- Archives de la famille Bouvet
- Discours du Commandant Loustaunau-Lacau à Pau le 20 novembre 1945
- Marie-Madeleine Fourcade, L’Arche de Noé, Paris, 1982.
- Site internet Histoire sociale des Landes
- « Maitron des fusillés » (en ligne), notice de Camille Bouvet rédigée par Daniel Grason : https://maitron.fr/spip.php?article149533
- Bulletin de l’A.A.S.S.D.N. n° 13, p.4