Gilbert Georges Ach est né le 20 février 1923 à Bordeaux (Gironde), fils de Jules (1884-1963), d’une famille originaire de Moselle, acheteur aux grands magasins Paris-Bordeaux (146 cours Victor Hugo), directeur commercial au même établissement, devenu « Parunis », puis aux Dames de France, et de Louise Malabert (1892-1979), d’une famille originaire d’Alsace, et lointaine cousine du capitaine Dreyfus, professeur d’anglais. Francine, la sœur de Gilbert, fut l’une des premières femmes énarques.
La famille habite 139 cours Victor Hugo, à proximité des magasins Parunis, du Lycée Montaigne, de la Faculté des Lettres (futur Musée d’Aquitaine) et de la grande synagogue.
Elève au lycée Montaigne à Bordeaux (prix Jean Pech en 1939), étudiant à la Faculté de Lettres, il obtient un certificat de licence en latin. Il est agent de liaison, puis chef d’îlot de la Défense Passive (de septembre 1939 à février 1942, date à laquelle on le lui interdit en vertu du second « Statut des Juifs »).
Désirant « aller consulter son oncle à Limoges » (directeur des Dames de France, réfugié à Ambazac), il est arrêté et incarcéré par la Feldgendarmerie le 10 juin 1942 à 19h à la prison de Mont-de-Marsan pour franchissement de la ligne de démarcation. Condamné à 3 mois de prison par jugement du Tribunal de la Feldkommandantur le 17 juin.
A l’approche de la Rafle du Vél’ d’Hiv’, il est transféré à Bayonne le 10 juillet par la Feldgendarmerie et incarcéré à la maison d’arrêt, puis transféré à la prison de Picassaria le 13. Gilbert Ach, de nationalité française, était, en principe, protégé de la déportation, qui ne concernait alors que les Juifs étrangers, mais à l’exception des « Juifs français incarcérés sous n’importe quel motif »…
C’est ensuite un nouveau transfert à Mérignac le 16 juillet, puis à Drancy le 18.
Le 23 juillet, sa mère demande sa libération au préfet de la Gironde :
« Bordeaux, le 23 juillet 1942, 139 Cours Victor Hugo
Monsieur le Préfet,En qualité de mère française juive, soutien de famille, je viens vous prier instamment de bien vouloir essayer de me rendre mon fils qui a dû partir ces jours ci pour une destination que j’ignore avec les Juifs étrangers qui sont partis du camp de Mérignac.
Archives départementales de la Gironde
Mon mari Jules Ach né le 26 juin 1884 à Laon (Aisne) de parents français, son père Léopold Ach né le 24 mai 1858 à Boulay (Moselle) de Ach Louis, né à Denting-canton de Boulay-Moselle le 24 Xbre 1818 et qui a opté pour la France en qualité de Lorrain en 1871 (10 mai) lui-même de père Français nous en sommes certains.
Je suis moi-même fille d’Alsaciens Juifs mon père Edmond Malabert né à Oberschaeffolsheim (Bas Rhin) en 1856 de parents français a opté pour la France en 1871 et à toujours habité Paris. Du côté maternel je puis montrer une dispense de mariage accordée par Charles X à une aïeule.
Mon mari est depuis une année entière en maison de santé atteint de mélancolie occasionnée par les malheurs qui nous frappent. Le professeur Perrens, médecin chef de l’asile Picon le soigne.
Mon fils né à Bordeaux le 23 février 1923 a été admis à suivre les cours de la Faculté des Lettres en qualité d’étudiant juif [1]cf. loi du 21 juin 1941 instituant un numerus clausus dans les universités et il vient de passer un certificat de licence en latin. Il a voulu aller à Limoges consulter mon beau-frère aîné car je suis seule avec mes deux enfants et ma belle mère âgée de 83 ans. Il a été arrêté à Mont-de-Marsan pour avoir essayé de franchir la ligne et condamné en qualité d’Israélite à trois mois de prison plus le camp de concentration. Quelle a été ma stupeur ces jours ci de le voir quitter la prison pour le voyage !
J’ajoute à la liste de mes peines que l’on a pris la moitié de mon mobilier, fruit de longues années de labeur.
Mon mari employé depuis 44 ans aux grands magasins Paris-Bordeaux cours Victor Hugo y était acheteur jusqu’au moment de la loi frappant les Juifs [2]second « Statut des Juifs et a reçu le 11 février 1942 la Médaille d’Honneur du Travail. Lui-même et ses trois frères ont été mobilisés et combattants dans la guerre de 1914-1918. Le second le caporal George Ach du 214e d’Infrie est tombé au champ d’honneur le 27 mai 1918 à Vieil Arcy (Aisne) [3]blessure, citation et Croix de guerre.
Je me permets encore de vous signaler que mon fils a fait pendant cette guerre ce qu’il jugeait être son devoir, s’occupant avec beaucoup de dévouement de la Défense passive. Moi-même certifiée d’anglais me suis mise en 1916 à la disposition du Ministre de l’Instruction publique et j’ai été déléguée dans la plupart des lycées de garçons de Paris [4]pour remplacer des professeurs mobilisés. Je n’ai pas besoin de vous dire Monsieur le Préfet que ma peine est immense et que j’espère tout de la bienveillance et de la célérité avec laquelle vous répondrez à mon appel. Recevez Monsieur le Préfet l’assurance de ma profonde considération.
L. Ach ».
Mais à la date où elle écrit, son fils a déjà été déporté de Drancy à Auschwitz par le convoi n° 7 du 19 juillet 1942, où il est déclaré décédé le 24 (Arrêté du 26 mars 2012, paru au Journal Officiel du 21 avril).
À leur arrivée à Auschwitz le 21 juillet, sur les 1000 déportés, 504 hommes et 121 femmes sont sélectionnés pour les travaux forcés. Les autres sont gazés à leur arrivée au camp (c’est la première fois pour des déportés venus de France). On dénombrait 16 rescapés de ce convoi en 1945.
Gérard Ach figure sur la plaque commémorative de la synagogue de Bordeaux.
Autres sources
↑1 | cf. loi du 21 juin 1941 instituant un numerus clausus dans les universités |
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↑2 | second « Statut des Juifs |
↑3 | blessure, citation et Croix de guerre |
↑4 | pour remplacer des professeurs mobilisés |