La maison d’arrêt de Mont-de-Marsan, construite au début du XIXe siècle et située au 4 rue Dulamon, a servi pendant la Seconde Guerre mondiale de lieu de détention pour les Juifs arrêtés dans la région de Mont-de-Marsan (de Roquefort à Amou), essentiellement pour tentative de franchissement de la ligne de démarcation. Les enfants de moins de 16 ans, séparés de leurs parents, étaient « hébergés » à l’Hôpital-hospice Lesbazeilles.
Entre la fin de l’année 1940 et la fin de l’année 1942, ce sont environ 230 Juifs qui ont été internés à Mont-de-Marsan, dans la « section allemande » de la maison d’arrêt (la section « française » accueillait les détenus de droit commun condamnés par la justice française).
Au-delà de la sécheresse des registres d’écrou, quelques documents jettent un éclairage supplémentaire sur les détenus.
Ainsi Charles POMERANC, 19 ans, opticien, domicilié 6 rue de Vincennes à Bagnolet, est arrêté en tentant de franchir la ligne de démarcation. Il est amené à la prison par un feldgendarme le 18 octobre 1941 à 13 heures. Le 23 à 12h30, il est retrouvé pendu… En octobre 1944, quelques semaines après la Libération, son père viendra récupérer ses effets personnels à la prison.
Le 11 août 1942 à 20 heures, c’est le jeune Daniel PRYNC, 15 ans qui, jusque-là hébergé à l’hospice Lesbazeilles, est livré par les gendarmes français à la feldgendarmerie et incarcéré. Une semaine plus tard, il est transféré à Mérignac et mourra en déportation…
En janvier 1943, l’épouse de David VINITZKI, coiffeur parisien âgé de 56 ans, né en Russie, incarcéré le 7 août 1942, écrit au directeur de la prison afin de lui demander des nouvelles de la somme que son mari avait emporté dans sa fuite. Elle se trouve en effet sans ressources et a sollicité des secours à la mairie du XVIIIe (cette démarche n’était pas sans risques…). Le directeur répond qu’il n’y a pas de trace de dépôt… David VINITZKI, transféré à Mérignac dès le 12 août, puis le 26 à Drancy, a été déporté sans retour à Auschwitz le 31…
Les détenus manquent de tout, en ces temps de rationnement, et les notes de la marquise de Guilloutet, sollicitée pour leur procurer le minimum de réconfort, en témoignent : savon, sous-vêtements, nourriture, demandes d’interventions diverses auprès des autorités, etc.
C’est de la maison d’arrêt que les Juifs étaient transférés, jusqu’en juillet 1942 vers les prisons de Bayonne (ou Dax, arrestations au moment de la rafle du Vél’ d’Hiv’), puis vers le camp de Mérignac à partir du 29 juillet 1942 : un convoi de 30 personnes le 29, 13 le 4 août, 27 femmes le 11 et 23 hommes le 12, 24 le 18, 6 le 26, 6 le 10 septembre, 3 le 17 octobre.
Les arrestations massives opérées entre la mi-juillet et le début du mois d’août poussent les autorités à envisager d’interner les Juifs à Saint-Sever, dans le cloître qui serait transformé en prison. Mais il semble que leur transfert rapide à Mérignac ait mis un terme au projet…
Le 11 novembre 1942, en réplique au débarquement des Alliés en Afrique du Nord, les Allemands envahissent la Zone Occupée et, à Mont-de-Marsan, remplacent les Français au poste de garde de la prison. Le régime se durcit, mais le nombre de détenus est en baisse, et ils le sont souvent en tant que « passagers », entre leur arrestation et leur transfert vers Bordeaux.