Né le 5 janvier 1902 maison Maufeyt à Amou, il est le fils de Joseph, propriétaire-cultivateur, boucher, et de Jeanne Sarramone (5 sœurs).
Plutôt chétif dans son enfance, on lui donnait comme fortifiant du sang d’animaux fraîchement tués à l’abattoir. Cela ne l’empêchait pas d’être fort bagarreur. Sur le chemin de retour de l’école, le doyen d’Amou lui avait demandé : « Eh bien Charles, t’es-tu battu aujourd’hui ? Très fois Monsieur le Doyen » aurait-il répondu dans un savoureux mélange de patois et de français. A l’école, une vieille religieuse, lui disait souvent « Toi, Charles, tu as la bosse des Maths ».
Il pratique la gymnastique à l’Etoile Sportive Amolloise (patronage) en 1910.
Il avait appris à nager avec Ernest Dubenqué, le maçon qui habitait en face. C’était avec des moyens rudimentaires : des coloquintes vides servaient de bouée. Il maîtrisait fort bien la nage et sa préférée était « l’indienne ».
A l’âge de 10 ans cela lui permet de sauver un camarade de la noyade. L’affaire serait passée inaperçue si le doyen n’avait fait paraître un entrefilet dans la presse.
La Fondation Carnegie lui attribue alors une bourse qui lui permet de faire des études au Lycée Duruy (Médaille d’Argent, livret de Caisse d’Epargne de 300 fr.).
Entré au lycée en 6e en octobre 1913, il y est bon élève, Bourse d’internat (au mérite) de 306 fr. en 1914, élève de 3e A, Certificat d’études en 1916-1917, élève de 1ère C (Latin-Sciences), 1er Baccalauréat obtenu en 1919, élève de Mathématiques, 2e Baccalauréat (Mathématiques) en juillet 1920.
Il joue ½ et arrière dans l’équipe de rugby des Boutons d’Or du lycée en 1917-1919 ; « ce nom seul suffit pour qu’on évoque immédiatement un arrière parfait : très adroit, un roc en défense, au courage exemplaire ».
Il joue aussi au Stade Montois (1919-1920)
Avec ses camarades du lycée, il avait l’habitude de demander aux cochers de fiacre : « cocher, êtes-vous libre ? » à la réponse « oui, Monsieur » il répliquait « Vive la liberté ! » … avant de s’enfuir sous les injures. En terminale, il avait joué un match à Hagetmau aux alentours de Pâques et avait déclaré alors à des amis de son père qui le recevaient qu’il était temps qu’il se mette au travail en vue du Bac. Cela fut évidemment répété.
Malgré une jambe cassée (lors d’un match), et un déplacement éprouvant à Bordeaux pour l’oral. Charles obtient le Bac avec mention.
Une fois le Bac en poche se posait la question délicate pour ses parents « que faire de Charles ? », initialement pressenti pour prendre la succession de son père à la boucherie. Ses parents retournèrent à Mont-de-Marsan prendre conseil auprès du proviseur du lycée qui déclara immédiatement « il faut qu’il fasse Polytechnique ».
Entré en khâgne au lycée de Bordeaux, il y intègre l’équipe des Muguets (1920-1922, capitaine), et est aussi arrière au B.E.C. (1920-1923), sélectionné Côte Basque, Côte d’Argent, capitaine de l’Equipe de France scolaire en avril 1922.
Il participe à la réorganisation du Sporting Club Amollois.
Admis 1er à l’Ecole Nationale des Mines de St-Etienne en 1923, il démissionne pour Polytechnique. Polytechnicien de la promotion 1923 (avec Yves du Manoir), il joue alors au P.U.C./Paris Université Club (1923-193e), ainsi que dans l’équipe de France militaire.
Durant ses permissions, il joue volontiers dans les équipes locales. Il était facile de le repérer sur un terrain : c’était le seul joueur qui avait les bas sur les chevilles.
Sous-lieutenant au Génie à sa sortie de Polytechnique en septembre 1925 (il est 208e sur 251), lieutenant au 9e Régiment en 1927, on le retrouve enfin au Stade Universitaire Lorrain (1927).
En effet, ingénieur, il est ensuite muté à l’Etat-Major particulier, à la chefferie des travaux de fortification de Metz en 1927, promu lieutenant, puis capitaine en 1931, à la chefferie des travaux de fortification de Thionville (organisation), puis à Montmédy, Mézières en 1938, et participe à la réalisation de la Ligne Maginot.
Il épouse en 1938 à Amou Elisabeth Luscan, une dacquoise. Le jour même de son mariage, un télégramme le rappelait dans son régiment car c’était la crise de Munich. Tout Amou le savait, mais le receveur eut l’élégance de ne le faire parvenir que le lendemain, de façon qu’il ne soit pas obligé de partir au milieu de la noce. C’était une fausse alerte, ce qui ne fût pas le cas, hélas, l’année suivante.
Quelque part sur le front
« Qu’est-ce que je peux vous dire ? Je ne suis pas un guerrier. Je fais des calculs et je fais du bêton ».
Ces paroles à la fois bourrues et gaies étaient proférées avec un fort accent gascon dans la chambre de devant d’une petite maison bourgeoise, par un capitaine du génie qui, depuis 1929 travaillait aux fortifications et avait construit plusieurs des gros barrages de la Ligne Maginot.
Maintenant, il avait pour charge d`édifier derrière cette ligne une nouvelle et plus légère barrière de casemates et de blocs. Ses camarades et ses chefs le tenaient pour l’un des meilleurs spécialistes d’Europe en matière de fortifications. Il ne paraissait pas se douter de sa renommée. Au milieu de la chambre où il n’y avait que les instruments et les résultats de ses calculs, appuyé contre la table de bois blanc toute encombrée de devis et d’épures, il avait l’air lui-même d’un morceau de béton. J ‘ai rarement rencontré un homme dont le physique s’accordât si bien à sa tâche. De taille moyenne, avec des épaules profondes, vastes et carrées, le corps doué d’une exceptionnelle et visible puissance il semblait coulé d’un seul bloc. Dans un visage massif et net, sous un front découpé comme à l’équerre, brillaient des yeux très clairs, très résolus et très bons.
« Je ne suis qu’un chef de chantier reprît le Capitaine et ce que je fais n’a aucun intérêt pour le public. Le bled et la boue et la neige et le béton, j’y ai vécu depuis dix ans et plus conclut-il.
Pour moi le métier ne change pas beaucoup. Pour les hommes qui travaillent avec moi, c’est tout différent… Les pauvres bougres… Ils ont du mérite. Allez-donc les voir ».
De notre correspondant sur le front français.
Joseph KESSEL, « Les sans-gloire », Paris-Soir, 29 février 1940
Lieutenant-colonel dans la Résistance (« Commandant Picard »), membre des F.F.I., à l’issue d’un parachutage, il se retranche avec son groupe de résistants dans une ferme de l’Est de la France (près de Verdun), qui est incendiée par les Allemands le 24 août 1944. Il est fait prisonnier. Interné à la prison de Sainte-Menehould (Marne), il est ensuite déporté à Buchenwald.
Il meurt en déportation en décembre 1944 à Buchenwald (JORF 2013).
Il figure sur le monument aux morts d’Amou, ainsi que sur les plaques commémoratives d’Amou, du Lycée Victor Duruy de Mont-de-Marsan, de l’École Polytechnique à Paris Ve et à Palaiseau.