Jacques Vaisenberg
Jacques Vaisenberg vers 1940

Jacques Vaisenberg

Né en 1934 à Paris XIVe, de parents roumains (originaires de Foscani) , il est le fils de Hascal, marchand forain de bonneterie, et de Betty/Betti Avram Figur (décédée en 1951). Il a pour frères Marcel et Henri.

Arrivés en France en 1919, naturalisés en 1930, ils habitent un deux pièces dans un immeuble au 94 de la rue St-Martin dans le IVe arrondissement de Paris.

Son frère Marcel, incorporé dans un régiment en Lorraine, est fait prisonnier et transféré dans un stalag de Prusse orientale (il ne reviendra de captivité qu’en août 1945).

En mai 1941 son père, désormais interdit d’exercer sa profession, devient employé au Jardin des Tuileries.

Après son arrestation en novembre 1942 par deux policiers français pour défaut de port de l’étoile, au moment où il était allé renouveler les cartes de rationnement de la famille, ce dernier est interné à Drancy, d’où il sera déporté sans retour vers Auschwitz en février 1943.

Le frère de Jacques, Henri, interpellé comme réfractaire au S.T.O., est envoyé en Allemagne en mars 1943 et en revient malade (il s’engagera dans les F.F.I.).

Seule et sans ressources, la mère des enfants trouve un emploi de femme de ménage.

Jacques, qui ne porte pas l’étoile jaune, quitte Paris fin avril 1943, accompagné à la Gare d’Austerlitz par leur voisine et propriétaire, placé par la Maison du Prisonnier (Secours National) chez Marie Galin à Sabres. Dans le même train, 3 autres enfants juifs, Fred et Liliane Grozinger, et Edith Roisman.

Marie Galin, née Labatut, née en 1876, est veuve d’un juge de paix, à la tête d’une modeste fabrique de chaussons pour sabots ; elle accepte de prendre Jacques en charge.

Puisque personne n’en veut, nous ne pouvons le laisser là, ce pauvre enfant, je vais le prendre… Tu sais, mon petit, je ne suis pas bien riche, mais enfin, j’espère que tu ne seras pas trop mal.

Il est scolarisé à Sabres sous son nom, coiffé d’un béret.

Mais un an plus tard, Mme Galin lui annonce qu’elle ne peut plus s’occuper de lui (peut-être par manque de ressources, ou plus vraisemblablement en raison des menaces qui s’accumulaient…).

« Planqué » pendant un mois chez la famille Nougaro à Tauziet (Sabres), Marie Galin et lui vont en train jusqu’à Dax, où Jacques prend le car jusqu’à Tartas, d’où le maire le conduit en voiture jusqu’à Gouts.

Il sera hébergé jusqu’à la fin de la guerre à la ferme Coulaou, chez M. Sombrun dit « Lou Pélican », métayer et guérisseur à ses heures.

Qu’est-ce qu’on va bien pouvoir en faire ? Pas assez costaud pour labourer… Enfin, tant pis, on le garde.

Inscrit à la rentrée 1944 à l’école et au catéchisme, il aide aux travaux de la ferme, manquant de se faire piétiner par une vache. Pendant son séjour, il bénéficie sans doute de la complicité muette de la population…

En août 1945, il retrouve sa mère et son frère.

A la fin de mon séjour, j’avais oublié ma famille. A tel point que, lorsque mon frère est venu me chercher, je ne voulais pas rentrer.

Le traumatisme est pourtant bien là : J’ai quasiment tout oublié. Ma mère et mon frère ne voulaient plus en parler.

Devenu ingénieur, il habite Sucy-en-Brie, et témoigne devant des élèves.

Jacques Vaisenberg, enfant caché, rencontre les écoliers de Sucy (article du Parisien, 2005).

 «Je suis ce que l’on appelle un enfant caché… ».

Tout au long de la semaine, devant une douzaine de classes de CM 1 et de CM 2 des écoles de Sucy, Jacques Vaisenberg s’est employé à raconter son expérience d’enfant juif en France pendant la Seconde Guerre mondiale.

A 71 ans, après une brillante carrière d’ingénieur, cet habitant de Sucy-en-Brie raconte pour la première fois publiquement cet épisode douloureux. « J’ai hésité, reconnaît-il. Je me suis longtemps demandé si mon témoignage, avec ses lacunes, avait une valeur quelconque. Et puis mes enfants m’ont posé des questions, ce qui m’a incité à faire des recherches.

L’échange avec les enfants a en tout cas été fructueux. « J’avais leur âge à l’époque. Ils ont pu se dire

: Cela aurait pu m’arriver.

Beaucoup ont voulu voir mon étoile jaune, la toucher et me demander pourquoi on m’obligeait à la mettre. On se rend compte, à travers leurs questions émouvantes et naïves, que certaines choses dépassent leur imagination. Et c’est tant mieux d’ailleurs…».

Sources :

Bulletin de la Société de Borda 2009, n° 494, pp. 149-166.