La famille Gronich
Archives départementales des Landes

La famille Gronich

Moses Joseph dit « Moïse » Gronich naît le 25 octobre 1902 à Cernauca (Czernawka), une petite ville de culture roumaine, située alors dans l’Empire d’Autriche-Hongrie (puis en Roumanie, aujourd’hui Chornivka en Ukraine, à quelques kilomètres de Czernowitz/Cernauti/Tchernivtsi, capitale de la Bucovine). Il est le fils de Nathan/Nussen, négociant, et de Fanny/Freide Löwenschuss (ces derniers habitent en 1928 Sadagora, un faubourg de Czernowitz).

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Il vient à Paris en 1923 ou 1924 pour poursuivre ses études de médecine (et sans doute pour fuir l’anticommunisme et l’antisémitisme ambiant dans la Roumanie de l’entre-deux-guerres…).

Il habite à partir d’octobre 1926 au 3 Passage Dareau dans le XIVe arrondissement.

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3 passage Dareau

Il y épouse le 29 décembre 1928 (avec pour témoin le père de Michel Drucker) Mathilde DAVID, née le 24 février 1905 à Wiznitz, également en Bucovine, dans l’Empire d’Autriche-Hongrie (puis en Roumanie, aujourd’hui Vyjnytsia en Ukraine), fille de Jacob et de Sara Rolle (elle habitait chez son futur mari depuis 2 mois).

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Il soutient une thèse de médecine (remarquée) en 1930, intitulée De l’hygiène physique et psychique de l’enfant dans les jardins d’enfants, l’école maternelle et la Casa dei Bambini… (Ecole Montessorienne).

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Docteur en médecine, il est sollicité par la municipalité communiste de Tarnos pour organiser un service médical social (écoles, familles nécessiteuses, etc.) ; il s’y installe avec son épouse en septembre 1930 et habite l’ancien presbytère.

Leur fille ainée Aimée nait le 17 février 1932 à Tarnos.

Moïse et Mathilde, au terme de plus d’un an de procédure (et malgré les interventions du Garde des Sceaux et du député radical-socialiste Robert Lassalle pour accélérer les choses), sont naturalisés français par décret du 24 juin 1933 [1]Bulletin Officiel du 2 juillet 1933.

Le 4 juillet 1937 naît leur seconde fille Colette.

Mobilisé en septembre 1939, Moïse Gronich rejoint le 18e R.I. à Pau, comme médecin auxiliaire au 3e bataillon (il aurait été cité à l’Ordre de la Division). Il est fait prisonnier en mai 1940.

Lors du recensement obligatoire des Juifs, en octobre 1940, Mathilde est inscrite comme « mariée à un catholique » ( ?). Son époux, libéré, rejoint Tarnos depuis Verdun le 1er novembre. Il se déclare comme juif auprès de la sous-préfecture de Dax le lendemain même, mais refuse d’apposer à  la porte de son cabinet l’affiche jaune prescrite par les Allemands signalant les « entreprises « juives.

Visé par les lois antisémites de Vichy lui interdisant d’exercer, il sollicite une dérogation (directement au Ministère de l’Intérieur, sans passer par la voie hiérarchique, c’est-à-dire le Préfet).

Une enquête du Commissariat Spécial (Polices administratives de Bayonne, Dax et Mont-de-Marsan !) est diligentée. Elle conclut que le docteur Gronich doit être considéré comme juif, recommande de confirmer l’interdiction d’exercer, et de lui retirer la nationalité française.

« La clientèle de ce docteur était presque en totalité composée d’éléments communistes ou sympathisants de Tarnos, Ondres, et quelques-uns de St-Martin-de-Seignanx, ce qui semble indiquer son penchant », conclut le rapport du maréchal des logis chef Lacaze.

Le 12 décembre 1940, en application de la loi du 22 juillet, le préfet Daguerre lance la procédure de révision de la naturalisation de la famille Gronich. L’inspecteur de police administrative recommande en effet également le retrait pour Mathilde Gronich et leurs deux petites filles (« il est notoire que la femme Gronich avait les mêmes idées que son mari et qu’elle n’en a pas changé »).

La demande préfectorale et le rapport sont transmis au Ministère de l’Intérieur le 31 mars 1941. Il n’y a pas d’indications que la procédure ait été à son terme (même si l’inspecteur Duverger s’en vante en 1944…).

En mars 1941, le docteur Gronich dispose toujours d’une autorisation provisoire d’exercer.

En juin 1942, il s’oppose au port de l’étoile jaune pour sa fille cadette Colette, car l’ordonnance allemande du 28 mai 1942 ne le prescrit que pour les enfants de plus de 6 ans.

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Très affectés par l’obligation du port de l’étoile jaune par leur fille Aimée (10 ans), et sans doute prévenus de la rafle qui se prépare, ils partent en zone non occupée le 13 juillet 1942 au petit matin, supposément à Pau, ce que le préfet signale aux autorités allemandes le 27.

Ils survivent et, après la guerre, reviennent s’installer à Tarnos.

Moïse Gronich est décédé en 1965. Une rue de Tarnos porte son nom.

Son épouse est décédée en 1986, elle est également inhumée à Tarnos.

Toutes deux mariées, leurs filles sont restées dans la région et son décédées en 2015 et 2020.


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Autres sources

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1 Bulletin Officiel du 2 juillet 1933