Marc Cazaux (pseudonyme « Marc »)
Marc Cazaux en 2003

Marc Cazaux (pseudonyme « Marc »)

Il nait le 16 janvier 1924 à Carcarès-Sainte-Croix, fils de Joseph, forgeron, et de Catherine Brouste.

Il témoigne en 2003 :

Entrée en Résistance

Pourquoi je suis entré dans la Résistance ? C’est parce que dès le début de l’Occupation j’ai été foncièrement contre l’occupation de l’ennemi, contre l’occupation allemande.

Alors je ne savais pas quoi faire évidemment, mais dès ma rentrée au lycée [1]le lycée Victor Duruy de Mont-de-Marsan. fin 40, avec deux de mes camarades que je connaissais depuis longtemps [2]Marcel Dupouy et Jean Lemercier, tous deux devenus résistants., en qui j’avais toute confiance, nous avons décidé de faire quelque chose. Quoi, nous ne savions pas. Aussi tout bêtement, avec des pages de cahiers d’écoliers que nous coupions en quatre nous écrivions soit « Vive de Gaulle ! » soit nous dessinions la croix de Lorraine, et à la sortie du lycée, tous les jours, nous glissions ces papiers-là dans des boîtes à lettres. Ça pouvait paraitre enfantin, mais enfin ça montrait qu’il y avait quelques Français qui n’étaient pas favorables à la Collaboration.

Pour manifester son patriotisme et son indignation, dans la nuit du 17 au 18 février 1942, à Mont-de-Marsan, avec ses deux camarades, il brise par jets de pierre les vitrines de trois magasins fréquentés par des membres de la Wehrmacht.

Puis ensuite je me suis mis à passer la ligne de démarcation, en fraude, bien entendu. Pour les habitués, il est facile de traverser la ligne de démarcation, en prenant la précaution de surveiller le passage des patrouilles allemandes et en contrôlant si des soldats ne sont pas en faction dans le petit bois de la route Mont-de-Marsan – Saint-Sever longeant la ligne. Il suffit alors de foncer depuis la route, de se faufiler sous les fils de fer d’une clôture qui se trouve là depuis bien avant l’Occupation, et on se trouve en Zone « libre ». Au retour, après avoir constaté qu’il n’y a pas de patrouille en vue, je traverse rapidement la prairie et je me retrouve en Zone occupée.

Je passe de nombreuses fois la ligne de démarcation, seul ou avec mon camarade de lycée Jean Lemercier [3]il rejoint en 1944 le Bataillon de l’Armagnac. Parfois, nous passons uniquement pour le plaisir de narguer les Allemands. Nous prenons quelques risques, mais nous avons 16 et 17 ans, emportés par la fougue de notre jeunesse et la joie de tromper l’occupant honni. Souvent, nous passons des lettres pour des familles séparées par la ligne. Un jour je rencontre dans le bois à proximité de la ligne de démarcation un prisonnier de guerre marocain, évadé d’un camp situé aux environs de Morcenx ou de Facture, s’exprimant dans un français approximatif. Je l’aide à passer en Zone « libre ».

Un peu plus tard je suis entré en relation avec M. Chary [4]nommé préfet des Landes à la Libération, qui était le patron des Ponts et Chaussées et qui voulait faire passer en Zone « Libre » des documents qui provenaient des aménagements que faisaient les Allemands au Camp d’aviation [5]Base aérienne. Il me passait ces documents, je traversais la ligne de démarcation avec, je les remettais à un officier qui habitait Grenade et qui commandait le poste français à côté de la ligne de démarcation.

Ensuite, le 31 mai 1942, le jour de la Fête des Mères, aux arènes de Mont-de-Marsan, quand l’Harmonie municipale a joué « Maréchal, nous voilà ! », je ne me suis pas levé, alors que tout le monde se levait et se découvrait. J’étais anti-pétainiste. J’ai reçu l’ordre de me lever, ordre donné par un professeur du lycée (en compagnie de deux officiers allemands), j’ai refusé, et j’ai fini par lui dire que je ne connaissais qu’un seul hymne national, c’était la Marseillaise, que je ne connaissais pas du tout le « Maréchal, nous voilà ! » et que je me refusais à me lever. Il m’a dit que je le paierai très cher. Effectivement dès le lendemain, il allait me dénoncer à la police politique et faisait réunir le conseil de discipline du lycée, et on m’a mis à la porte, pour « menées et actions gaullistes et communistes ». Deux professeurs m’ont apostrophé, me traitant de rebelle, mauvais Français, sale gaulliste qui méritait la prison. Mais le proviseur, dans son bureau, m’a dit « Ne tenez pas trop compte de ce qui vient de se passer, faites ce que vous croyez devoir faire, bon courage et bonne chance ». Un autre professeur m’a déclaré « Cazaux, je ne vous aime pas, vous êtes gaulliste, je suis pétainiste, mais je réprouve ce que l’on vous a fait ».

Mis à la porte du lycée, je suis allé à Bordeaux continuer mes études. C’est M. Chary qui m’avait donné un point de chute à Bordeaux où j’ai pu entrer en relation avec un réseau dont j’ignorais totalement le nom bien sûr. J’y ai fait en quelque sorte l’agent de liaison, c’était pas bien important mais enfin c’est ce que je faisais. A deux reprises j’ai porté une petite valise, on m’a dit après que c’était un poste émetteur-récepteur, puis je portais des documents d’un endroit à un autre.

Passage en Espagne, puis en Afrique du Nord

Mais je voulais partir, rejoindre les Forces Françaises Combattantes du Général de Gaulle, et c’est une femme, que je n’ai connu que sous son nom de guerre, « Elisabeth », qui m’a donné les points de chute pour passer en Espagne. Je suis donc parti fin octobre 42, je précise bien 1942, après avoir une fois de plus traversé la ligne de démarcation en fraude.

Il franchit la frontière avec son camarade de lycée Marcel Dupouy [6]il rejoint Gibraltar puis l’Angleterre, où il s’engage dans les FFL, sera parachuté en Bretagne et participera lui aussi aux campagnes de France et d’Allemagne, avant d’être arrêté le 20 novembre 1942, par la police espagnole. Il est interné à la prison de Pampelune, puis au camp de Miranda jusqu’au 17 mai 1943, et arrive à Casablanca au début du mois de juin. Il intègre ensuite les troupes françaises en Afrique du Nord. Sorti aspirant de l’école des officiers, il est affecté au 8e régiment de tirailleurs marocains.

Engagé dans les Forces Françaises Libres, il participe aux campagnes d’Italie, de France et d’Allemagne.

Après la guerre

Marc Cazaux était membre de l’association Mémoire et Espoirs de la Résistance, co-président de la section des Landes de l’Association Nationale des Combattants Volontaires de la Résistance, trésorier adjoint au Comité d’Organisation du Concours National de la Résistance et de la Déportation. Il était un intervenant très apprécié et respecté dans les collèges et lycées. Marc Cazaux nous a quittés le samedi 20 décembre 2008 à Mont-de-Marsan, à l’âge de 84 ans.

Voir son témoignage en vidéo (2003).


Documents

Autres sources

Autres sources
1 le lycée Victor Duruy de Mont-de-Marsan.
2 Marcel Dupouy et Jean Lemercier, tous deux devenus résistants.
3 il rejoint en 1944 le Bataillon de l’Armagnac
4 nommé préfet des Landes à la Libération
5 Base aérienne
6 il rejoint Gibraltar puis l’Angleterre, où il s’engage dans les FFL, sera parachuté en Bretagne et participera lui aussi aux campagnes de France et d’Allemagne