La famille HERSZBAJN (HERSZBEIN), décimée par la Shoah
Lipman HERSZBEJN et sa famille

La famille HERSZBAJN (HERSZBEIN), décimée par la Shoah

Le 7 juillet 1942 à 23 heures, le feldgendarme Schiver se présentait à la maison d’arrêt de Mont-de-Marsan avec trois hommes, arrêtés quelques heures auparavant en tentant de franchir la ligne de démarcation. C’était les frères Alfred, Simon et François Herszbein (21, 20 et 18 ans), qui avaient quitté Châtelaillon (Charente-Maritime) pour gagner la Zone Non Occupée.

Les recherches nous ont permis de reconstituer leur parcours, mais aussi de mettre en évidence le sort funeste de la quasi-totalité de leur famille, frères et sœurs, parents, grand-mère, oncles, tantes et cousins ; ce sont plus de 30 personnes qui ont été déportées au total, dont seules 4 ont survécu.

A la fin du XIXe, le grand-père Chaïm (né en 1867) vit avec son épouse Czarna PULVERMASCHER (née en 1868,) dans la banlieue de la grande ville industrielle de Lodz en Pologne, où il travaille dans une minoterie. Ils ont sept enfants, vivent modestement et sont pratiquants.

Lodz, le « Manchester polonais », connaît alors une intense activité industrielle, centrée essentiellement sur le textile.

Mais en l’espace de quelques années (1915-1925), trois fils et trois filles de Chaïm et Czarna émigrent en France, et se fixent à Paris ou en Lorraine, où la demande de main-d’œuvre dans l’industrie métallurgique est forte (suite à la saignée démographique de la Première Guerre mondiale).

Au décès de son mari (avant la guerre), Czarna rejoint ses enfants en France.

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Czarna Pulvermacher épouse Herszbajn

L’aîné de ces enfants est Szlama (Shlomo/Salomon), né le 22 août 1888 à Konstantynow, un faubourg de Lodz. Il épouse en 1919 en Pologne Bajla/Bella BARANOWSKA, née en 1887. Ils ont alors un enfant, Isaac Israël.

Vers 1922/1923, ils se fixent à Hagondange, dans la banlieue industrielle de Metz en Lorraine (d’abord le père, puis la mère avec leur fils à peine âgé de 2 ou 3 ans), où un frère cadet (Lipman, voir plus bas) est déjà installé depuis 1915, puis à Metz, où toute la famille élargie vit dans le même quartier. A la maison, ils parlent yiddish, et connaissent le polonais et l’allemand, mais pas le français. Le père travaille comme grutier aux mines. Le fils Isaac joue au club de football du Maccabi de Metz.

hagondange (moselle) et ses usines
Hagondange

Après la déclaration de guerre, la famille élargie est évacuée vers le Sud-Ouest, mais pas Szlama et ses enfants. Un dimanche au stade lors du traditionnel match de football, un Allemand prévient le père de l’imminence d’une rafle, et ils partent vers Paris, où habite la tante Szyfra (veuve d’Efraïm). Mais celle-ci manquant de place pour les héberger, ils vont habiter à l’hôtel « Le Dauphiné », 21 Rue Vincent dans le XIXe arrondissement. Ils survivent grâce à l’allocation de réfugiés et à divers petits travaux.

Leur fils Isaac, né le 30 mai 1920 à Lodz (et donc de nationalité polonaise), devenu colleur, confectionneur, vulcanisateur, s’était engagé dans l’armée française lors de la mobilisation générale. Après la débâcle, il est démobilisé à Toulouse et retrouve ensuite sa famille à Paris. Il y trouve du travail (confection d’imperméables) et habite avec sa compagne dans le XIe arrondissement. Le 20 août 1941 celle-ci, descendue acheter du pain, l’avertit qu’une rafle est en cours, mais il pense ne rien risquer, ses papiers étant en règle… Il est arrêté.

 Interné pendant presque un an, il est déporté par le convoi n° 3 parti du camp de Drancy le 22 juin 1942 à destination d’Auschwitz. Il entre dans le camp avec le matricule 40890 mais meurt le 20 juillet suivant.

Szlama et son épouse sont arrêtés le 16 juillet 1942 à Paris, en tant que Juifs étrangers (Rafle du Vél’ d’Hiv’). Ils sont déportés par le convoi n° 10 parti du camp de Drancy le 24 à destination d’Auschwitz. On sait que Bajla est décédée le 18 août, Szlama n’est pas revenu non plus.

Leur fille Mina/Marie est née le 21 août 1923 à Hagondange. Marie, restée seule après l’arrestation de ses parents, est arrêtée avec sa sœur le 25 mars 1943 par la gendarmerie française au 40 bis, Rue Henri Chevreau à Paris 20e, dans l’appartement prêté par Sarah/Fajga/Solange, une cousine (fille d’Efraïm) partie à Marseille. Marie et sa soeur sont emmenées au commissariat du XXe, emprisonnées (à la Roquette ?), transférées à Drancy (le 6 avril ?), puis déportées le 23 juin par le convoi 55 à destination du camp d’Auschwitz, en compagnie d’Ida SLIWOSKI (épouse de leur cousin Jacob, voir plus bas) et de ses deux petites filles, âgées de deux ans et six mois.

À Auschwitz, Marie et sa soeur sont affectées à un kommando de terrassement, puis au « Canada », l’atelier de tri des valises et affaires des déportés. En 1945, Marie survit à une « marche de la mort » et est rapatriée à Paris (Hôtel Lutetia). Marie retrouve sa sœur et épouse Guy Bouffanais. Elle est décédée le 15 août 2011 à Cognac.

Sa sœur Hella/Hélène est née le 23 août 1926 à Metz. Les Allemands occupent Metz le jour où elle devait passer son certificat d’études.

Hélène travaille comme mécanicienne en maroquinerie (porte-cartes d’alimentation). Elle vit dans la peur des rafles, en particulier dans le métro, qu’elle doit emprunter pour des livraisons.

Hélène est arrêtée avec sa soeur aînée et déportée à Auschwitz. Dans le camp, elle survit au typhus et échappe à des sélections. Elle est ensuite séparée de sa sœur et transférée en train à Bergen-Belsen (Allemagne) en 1944  (septembre ou octobre). Le 7 février 1945, elle est de nouveau transférée au camp de Buchenwald (matricule 67207), affectée au kommando Raguhn le 21 mars. Ce camp est évacué le 10 avril vers le ghetto de Theresienstadt, où Hélène est libérée par l’Armée Rouge le 8 mai 1945.

Rapatriée en avion à Lyon par la Croix Rouge le 2 juin, elle y reste en convalescence à l’OPEJ (Œuvre  de Protection des Enfants Juifs) pendant trois mois où elle retrouve un cousin qui a échappé aux rafles. A Paris elle retrouve sa sœur. Elles sont hébergées par leur tante et cousine. Sarah Fajga, sa cousine qui travaille pour l’OPEJ, l’informe qu’un poste est à pourvoir dans une maison d’enfants. Hélène y travaille comme monitrice et s’occupe des enfants cachés pendant la guerre. C’est là qu’elle rencontre Louis KESBI, moniteur de menuiserie, qui devient son mari. Il crée l’atelier menuiserie de l’ORT à Montreuil (Société pour la propagation du travail artisanal et agricole) avant de s’installer à son compte.

Ils ont trois enfants et sept petits-enfants. Hélène a refusé la Légion d’honneur. Hélène KESBI est décédée le 12 juin 2021 à Saint-Mandé. Elle a témoigné en vidéo (USC/Shoah Foundation).

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Marie et Hélène après la guerre

Le 2e frère, Efraïm/Efröim, né le 3 décembre 1889 à Lodz, épouse en 1922 à Lodz Szyfra ENGEL, couturière, et vient en France à Metz en mai 1922. Il est tailleur. La famille déménage ensuite en 1937 à Paris XXe, 27 rue Ramponneau. Efraïm décède l’année suivante à Pantin (93).

Après le déclenchement de la guerre, ayant gagné la Zone Non Occupée, Szyfra et sa fille Ita (née en 1922 à Lodz, vendeuse en parfumerie à Paris) sont internées au Camp de Rivesaltes en juin 1942. Libérées le 25 septembre, elles déclarent se retirer à Marseille, où elles habitent 10 rue Collin (appartement de sa belle-sœur Golda Mindel HERSZBAJN, née en 1918, épouse KLEBANER. Son beau-frère, qui faisait passer des résistants en Espagne, fut fusillé au Mont-Valérien le 13 janvier 1942).

Il est possible qu’elles aient été arrêtées lors de la rafle du Vieux-Port de Marseille les 22, 23 et 24 janvier 1943.

En tous les cas, à partir de mars 1943, elles sont assignées à résidence à Grenade-sur-Garonne (Haute-Garonne), rue Hoche.

Sara Fajga (Solange), la fille ainée, née le 14 mars 1914 à Lodz, épouse en 1937 Jacques LERNER, directeur commercial (frère de Léon LERNER, l’époux de Fajga ROSENBERG ci-dessous, il est apparenté à Rachel LEIBOVICI, arrêtée à Dax en octobre 1942 et déportée). Sara Fajga est également réfugiée à Marseille, mais Jacques est arrêté le 22 avril 1944 (à Grenade-sur-Garonne ?) et déporté par le convoi n° 72 à Kaunas ou Reval (Talinn) le 15 mai.

Ita est ensuite cachée à Gien à partir du mois de mai. Elle est sténo-dactylographe à l’OPEJ (Oeuvre de Protection des Enfants Juifs) dans le XVIe. Elle se mari en 1948, et est décédée en 2005 à Paris XIIe.

Après-guerre, Sarah Fajga/Solange se remarie et est sténo-dactylographe. Elle est décédée en 2005 à Metz.


Le 3e frère, Lipman (Léon) est né le 27 juillet 1892 à Konstantynow (Lodz), comme son épouse Pascha (alias Basilia/Bascha/Pescha ou Berthe) PIERNIK.

Installés en Moselle (Hagondange) en 1915, ils se (re)marient le 21 août 1928 à Metz (afin de pouvoir entamer une procédure de naturalisation, couronnée de succès en 1930).

Lipman est tisserand (en Pologne), puis électricien (1919), ouvrier (1920) et machiniste (1922) aux Forges d’Hagondange.

Vers 1925, ils viennent habiter à Metz, où ils sont commerçants ambulants et habitent 1 rue Michel-Praillon, puis 106/109 rue du Pontiffroy.

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Lipman, son épouse, leurs 8 enfants et leur belle fille (1939) – Mémorial de la Shoah

Après le début de la Seconde Guerre mondiale, ils trouvent refuge à Châtelaillon-Plage (Charente-Maritime), rue de Rochefort, où ils habitent les villas « L’Abri Caché » et « Les Charmilles ». En effet, en 1939, quelque 200 000 Mosellans sont évacués vers la Charente, la Charente-Inférieure et la Vienne. Suivent, en 1940, 90 000 autres personnes évacuées de l’arrière de la ligne Maginot pour les soustraire aux dangers de l’offensive allemande de mai.

Le 27 juillet 1942 le secrétaire-général de la préfecture de Charente-Maritime signale à la Gestapo le départ sans autorisation des trois frères Herszbein, Alfred, Sigmund et François.

A titre de sanction, le reste de la famille est arrêté le 10 septembre par la Gendarmerie Française. Un témoin atteste qu’ils ont été emprisonnés à la maison d’arrêt d’Angoulême, puis internés au camp de Poitiers.

Lipman est déporté avec sa femme et ses filles par le convoi n° 35 parti du camp de Pithiviers (Loiret) le 21 septembre 1942 à destination d’Auschwitz. Ils sont déclarés décédés le 25 (Sources : Jugement du Tribunal de Metz du 26/04/1955. Transcrit le 20/05/1955 (609). Carte de Déporté Politique: 11570 542. Mémoire des Hommes AC21P462972).

Leurs enfants :

  • Jean Icek, né le 3 juillet 1915 à Lodz, prisonnier de guerre, seul survivant, épouse en 1949 à Metz Jeanne Gutermann, décédé en 2003 à Paris XIIe.
  • Jacob, né le 24 septembre 1919 à Hagondange, coiffeur, épouse le 4 avril 1939 à Metz Ida SLIWOSKI (née en 1917). Avant la guerre ils habitent 17 Rue Chambière à Metz. Au moment de l’Exode (1940), ils se réfugient à Chalais (Charente), à quelques kilomètres de leurs cousins MINC et ELLERT (voir plus loin). Ils sont arrêtés à Chalais (il y a des arrestations les 14 et le 21 mars 1942 à Chalais et St-Quentin-de-Chalais) et incarcérés au camp de Poitiers. Jacob est transféré à Angers le 18 juillet et déporté à Auschwitz par le convoi n° 8 parti de cette ville le 20 (avec ses cousins-germains Isaac et David MINC). Son épouse Ida est internée pendant plusieurs mois à Poitiers avec leurs deux petites filles Simone, née le 28 janvier 1940 à Metz, et Thérèse, née le 16 janvier 1942 à Chalais. Elles sont transférées en septembre 1942 au camp de Pithiviers, puis à Beaune-la-Rolande. Elle est déportée au bout de 7 mois avec ses filles Simone et Thérèse, par le convoi n° 55 parti du camp de Drancy le 23 juin 1943 à destination d’Auschwitz.
  • Les trois frères (tous nés à Hagondange) Alfred, né le 27 décembre 1920, électricien, Sigmond, né le 16 mars 1922, tailleur, et François, né le 11 novembre 1923, vendeur, quittent clandestinement Châtelaillon-Plage afin de tenter de passer la ligne de démarcation dans les Landes. Mais ils sont incarcérés à la prison de Mont-de-Marsan par la feldgendarmerie le 7 juillet 1942 à 23 h pour passage de la ligne de démarcation, puis transférés à Dax le 17 à 14 h 15, ensuite à Mérignac le même jour, et enfin à Drancy le 18. Ils sont déportés le convoi n° 7 du 19 juillet 1942 à Auschwitz. Ils sont déclarés décédés le 24 à Auschwitz (JORF 2013).
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François (1er rang à gauche) et Sigmond (1er rang à droite) – Mémorial de la Shoah
  • Les trois soeurs (toutes nées à Metz) Hella/Hélène, née le 11 mars 1926, Golda, née le 12 février 1928, et Rose, née le 1er février 1930, sont arrêtées avec leurs parents le 10 septembre 1942 et déportées le 21. Danièle Lerman témoigne : « Golda était ma petite amie tant aimée avec laquelle je courais sur les dunes de Châtelaillon au bord de la mer. Son image est restée avec moi toute la vie ».

Aucun n’est revenu de déportation. Seul Jean, prisonnier de guerre, a survécu.


Le quatrième enfant de la fratrie est Ita, née le 23 novembre 1895 à Konstantynow (Lodz).

Elle épouse en 1919 à Lodz Leibusz MINC, ouvrier, né en 1894. Ils s’installent à Metz en juillet 1925, où Ita rejoint ses frères aînés. Ils ont quatre enfants, nés à Lodz : Gitla/Gutcha, Isaac, Mindla et David.

Pendant la guerre, ils sont réfugiés à Saint-Amant-de-Montmoreau (aujourd’hui Montmoreau), dans la partie occupée de la Charente, comme 1800 autres Juifs mosellans et alsaciens. Sarah, la sœur cadette d’Ita, y habite également avec sa famille.

Isaac, le fils aîné d’Ita, né le 22 novembre 1920, « commerçant » (et boxeur), et David, né le 19 octobre 1924, apprenti tailleur, sont arrêtés pendant la nuit du 3 juillet 1942 à Saint-Amant-de-Montmoreau, internés à Angoulême, puis transférés à Angers, d’où ils sont déportés par le convoi n°8 du 20 juillet 1942 (comme leur cousin-germain Jacob).

Ita, Leibusz et leur fille cadette Mindla (née en 1922 à Lodz, sténo-dactylographe), ainsi que Sarah sont arrêtés à Saint-Amant-de-Montmoreau au cours d’une rafle, dans la nuit du 8 au 9 octobre 1942, par la gendarmerie sur ordre des Autorités d’Occupation, au lieu-dit « La Station », puis internés à la Salle Philarmonique d’Angoulême. Au total, 422 personnes de toute la Charente et la Dordogne occupée sont rassemblées dans cette salle dans des conditions difficiles.

Un matin on apprend qu’il y a eu une grande rafle dans tout le département (…). Ma mère apprend que sa soeur se trouve parmi les autres à la Salle Philharmonique (…). Ma mère raconte que les gens couchent sur la paille, qu’ils sont abattus et désemparés.

Témoignage d’Hélène Lamberger

Je me souviens, dans le brouillard d’automne, d’une grisaille d’êtres humains, il y avait une masse de personnes parquées sur la place et à l’intérieur de la Salle Philharmonique. Je me rappelle surtout de personnes âgées, de femmes et d’enfants, au milieu des bottes de paille. Tous portent l’étoile jaune.

Témoignage de Michel Boullet, 10 ans, qui se rendait à l’école en passant par la place Henri Dunant

Transportés à la gare par autobus, ils sont transférés à Drancy le 15 (avec 383 autres Juifs) et déportés par le convoi n° 40 parti de Drancy le 4 novembre à destination d’Auschwitz. Huit déportés de ce convoi seulement reviendront.


La tante Mindel/Mindla, née vers 1898, est semble-t-il restée en Pologne, elle habite Varsovie en 1928. Son destin nous est inconnu.


Golda Thaïa/Chaja est le 6e enfant, née le 18 mai 1901 à Baluty, quartier de Lodz.

Dès 1919, elle habite Paris, 39 Rue de la Roquette dans le XIe. Elle (ré)épouse en 1924 à Metz Selig/Zeilik Rosenberg, tailleur d’habits, né aussi en Pologne. Ils sont les parents de Fanny/Fajga, née le 7 mai 1918 à Lodz, de Rosa dite Rosette, née le 22 septembre 1920 à Paris XIIe, et d’Ida, née le 30 janvier 1924 à Metz. Tous sont naturalisés en 1928.

Ils sont commerçants ambulants, et domiciliés à Paris, puis 46 rue Chambière à Metz (avec la mère de Golda, Czarna).

Après le déclenchement de la guerre, ils viennent habiter 29, Rue Saint-Eusèbe à Lyon (Rhône).

A l’été 1942, Rosette se rend en train de Lyon à Angoulême et réussit à faire sortir son cousin-germain Rodolphe ELLERT en cachette de l’hôpital (ses parents ont été arrêtés) et à lui faire quitter la ville, grâce à l’aide de Francine MERLIN (amie d’Ida et Rosette). Celle-ci a « emprunté » le livret de famille de ses parents afin de permettre à Rosette de passer en zone occupée pour récupérer son petit cousin, placé sous la surveillance des Allemands. Ce livret de famille comportait en plus du nom d’une jeune fille celui d’un petit garçon de 6 ans, ce qui permit à Rosette de repasser en zone libre après avoir « récupéré » l’enfant.

Rosette conduisit Rodolphe chez des amis de la famille, Alice et Paul CHEVALIER, qui avaient une petite ferme à Varennes-Saint-Sauveur (Saône-et-Loire). Rodolphe resta chez eux jusqu’à la Libération, ainsi que Fanny/Fajga épouse LERNER, accompagnée d’un enfant d’un an et enceinte de 6 mois. Alice et Paul CHEVALIER la conduisirent à l’hôpital le moment venu pour accoucher, et s’occupèrent ensuite du nouveau-né.

Les deux familles sont restées amies après la guerre et les enfants LERNER, qui avaient été sauvés par Alice et Paul CHEVALIER, continuèrent à venir passer les vacances scolaires chez eux.

Rosette est décédée le 29 mai 1944 à Lyon, avenue Rockefeller (Hôpital Edouard Herriot ?) (Mention « Mort pour la France »).

Le reste de la famille est arrêtée le 22 juin 1944 suite à une dénonciation.

En effet, Fanny/Fajga avait épousé en 1938 Léon LERNER, comptable (frère de Jacques époux de Sara HERSZBEJN ci-dessus, et apparenté lui aussi à Rachel LEIBOVICI). Celui-ci appartenait au réseau de résistance Gallia RPA (Chargé de mission de 3e classe/Sous-lieutenant). Il avait rendez-vous avec un jeune de son réseau mais ce dernier fut interpellé par la Milice qui le fit parler. Il donna l’adresse de Léon LERNER, où vivaient également Zeilik ROSENBERG, sa femme Golda Thaïa, sa fille Ida et sa belle-mère Czarna PULVERMACHER, née en 1868 à Lutomiersk. Les Miliciens appréhendèrent la famille et la remirent à la Gestapo. Ils sont interrogés par le terrible Francis André, alias « Bouche Tordue », qui les livre aux Allemands. Ils sont internés au Fort Montluc (cellule 13 pour Ida).

Place Bellecour, Léon LERNER avait réussi à fuir. Il est « mort pour la France », le 5 novembre 1944 à Villars-les-Dombes (de manière accidentelle).

Sa belle-famille est transférée à Drancy le 30 juin. Golda Rosenberg est déportée avec sa mère, son mari et sa fille Ida par le convoi 77 parti du camp de Drancy le 31 juillet 1944 à destination d’Auschwitz.

Ida est enregistrée dans le camp, mais elle témoigne que sa mère et sa grand-mère ont été assassinées dans une chambre à gaz dès leur arrivée à Auschwitz le 3 août. Selig est décédé le 20 septembre.

A l’approche de l’Armée Rouge, Ida est évacuée sur le camp de Kratzau (République tchèque) et libérée le 8 ou 9 mai 1945, et rapatriée le 29 juin.

Elle épouse après la guerre Anatole AJZENBERG et est décédée en 1999 à Caluire-et-Cuire (69).


Le 7e et dernier enfant est Sarah alias Sura Rywa, née le 29 juin 1905 à Konstantynow.

Sarah habite à Strasbourg (Bas-Rhin) puis à Metz (Moselle), avec son mari Aron Adolphe ELLERT (mariés en 1937 à Metz), né en 1907, tailleur. Ils ont un fils, Rodolphe, né en 1938.

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Pendant la guerre, la famille se réfugie également à Montmoreau (Charente). Son mari est arrêté le 30 décembre 1941, interné au camp de Poitiers, puis déporté à Auschwitz par le convoi n° 21 du 19 août 1942.

Sarah est arrêtée lors de la rafle du 8 octobre 1942. Internée à Angoulême, elle est déportée par le convoi n° 40 parti du camp de Drancy le 4 novembre 1942 à destination d’Auschwitz.

Ses parents déportés, le petit Rodolphe se trouve à l’hôpital d’Angoulême suite à une opération, et un agent de la Gestapo vient tous les jours pour observer ses progrès, attendant son rétablissement pour l’intégrer à un groupe d’enfants juifs en attente de déportation.

Mais sa tante Rosette ROSENBERG (voir plus haut) se rend en train de Lyon à Angoulême et réussit à le faire sortir en cachette de l’hôpital et à lui faire quitter la ville Caché à la campagne chez les époux CHEVALIER à Varennes-Saint-Sauveur (Saône-et-Loire), Rodolphe y reste jusqu’à la Libération.

Rodolphe dit « Rudy » est adopté après-guerre par une famille américaine, il décède en 2015 aux Etats-Unis.

Le 28 février 1993, l’Institut Yad Vashem de Jérusalem a décerné à Alice et Paul CHEVALIER ainsi qu’à Francine MERLIN-SANCHEZ le titre de Juste parmi les Nations.


Enfin on trouve dans les archives Malka HERSBAJN, née le 24 février 1924 à Konstantynow, sans doute une cousine, réfugiée elle aussi à Saint-Amant-Montmoreau, raflée le 8 octobre 1942, internée à Angoulême, et déportée par le convoi n° 40 du 4 novembre 1942 vers Auschwitz. Elle a survécu.


Sources :

Généanet et correspondance Aurélie Berenfeld