Jermia Oehlgiesser est né le 26 juillet 1905 à « Neuwasnlza (Roumanie) ». Il semble qu’il faille reconnaître dans ce nom, sans doute mal compris par les gendarmes landais qui l’interrogèrent, la petite ville de Nowoselitza, alors située dans l’Empire d’Autriche-Hongrie (Bukovine), à la frontière avec l’empire russe et le royaume de Roumanie, proche de Czernowitz, et passée ensuite à la Roumanie, aujourd’hui Novosselytsia en Ukraine.
Il est coupeur (tailleur), et s’installe en 1930 à Paris. Il est marié avec Brane, et ils ont deux enfants, Esther, née en 1929 (reconnue à Paris le 7 octobre 1932), et Charlotte, née en 1934.
En 1942, face à la montée des périls, leurs voisins de palier du 20 boulevard de Clichy (au pied de Montmartre), Joseph et Simonne Justes, charcutiers (avec leur fille Bernadette, amie des petites Oehlgiesser), leur proposent d’aller se réfugier chez le frère de Joseph à St-Aubin (Landes). En mars, Simonne les accompagne ainsi jusqu’à la ferme d’Henri et Marthe-Agnès Justes (la maison Lannes au quartier de Poyaler). M. Oehlgisser rentre ensuite à Paris pour continuer à travailler.
Esther et Charlotte sont scolarisées à St-Aubin. L’institutrice est Cécile Larrazet, et son mari, Pierre, qui avait perdu un bras lors des combats de 1939 (obtenant la Médaille militaire), est le postier du village.
En juillet (ou fin août d’après ses déclarations aux gendarmes), M. Oehlgisser, qui avait réussi à échapper à la Rafle du Vél’ d’Hiv’, prend le train pour Mont-de-Marsan. Le voyage est dangereux car il y a de nombreux contrôles. Mme Oehlgisser prie les Larrazet d’aider son mari à gagner Saint-Aubin situé à trente kilomètres de la gare. L’opération était risquée car les deux hommes auraient pu à tout moment être arrêtés pour un contrôle. Pierre accepte néanmoins d’aller chercher le réfugié et le ramène sain et sauf.
Il n’y avait pas d’Allemands dans le village et le poste de gendarmerie le plus proche se trouvait à Mugron, sept kilomètres plus loin. Seulement, St-Aubin ne comptant qu’environ 300 habitants, il était impossible de cacher la présence des nouvelles venues. Jacqueline Justes, belle-fille de ceux qui ont aidé les Oehlgisser à fuir, témoigne : « Il y avait ici, une secrétaire de mairie qui avait averti la famille Justes en disant, vous risquez la vie de toute la population là ».
Au bout de quelques mois, les Oehlgisser sont dénoncés. Un matin d’été (ou en octobre ?), Cécile Larrazet se précipite chez les Justes pour les avertir que les gendarmes sont en route pour arrêter leurs hôtes. Ils quittent la ferme à la hâte et fuient à travers champs.
Heureusement les Larrazet réussissent à trouver une solution pour chacun d’eux. Cécile persuade les sœurs de Saint-Vincent-de-Paul, qui dirigent un orphelinat à l’hôpital Lesbazeilles de Mont- de-Marsan, d’accepter les deux fillettes juives. Mme Oehlgisser séjourne un temps chez Pierre et Cécile. Cependant, voyant combien Mme Oehlgisser souffre d’être séparée de ses enfants, Cécile fait à nouveau appel à la supérieure de Lesbazeilles, qui accepte d’embaucher la mère comme couturière. Quant à M. Oehlgisser, c’est transporté sur la bicyclette du postier qu’il quitte le village. Puis, suivant les instructions détaillées qu’il a reçues de Pierre Larrazet, il prend des petites routes qui lui permettent de passer la ligne de démarcation.
Il est arrêté le 15 octobre 1942 à Mant par les gendarmes de la brigade de Samadet. Vêtu d’un complet de travail bleu, sans aucun papier, il déclare avoir franchi la ligne de démarcation à Hagetmau. « A la suite des mesures prises contre les Juifs, j’ai quitté Paris fin août 1942 pour me rendre en zone libre afin d’y travailler. A mon départ, j’ai laissé ma carte d’identité à mon domicile, de peur d’être pris par les Allemands. Ma femme qui est restée à Paris doit me l’envoyer incessamment » (nous savons qu’il n’en est rien…).
Emmené à Samadet, puis au Poste de Contrôle des étrangers de Grenade-sur-l’Adour, il est transféré le 29 au camp de Gurs (Pyrénées-Atlantiques). Le procureur de Pau juge que les poursuites sont inopportunes.
Jérémie rejoint ensuite la région de Vichy et entrera dans la Résistance [1]Service Historique de la Défense – Archives de Caen.
Le 16 juin 1992, Yad Vashem leur décerne le titre de « Justes parmi les Nations ».
En 2018, une plaque était inaugurée sur l’école de Saint-Aubin :
« Stéphane Delpeyrat, maire de Saint-Aubin rappelait quelques chiffres : sur 78000 Juifs français déportés, 2500 sont revenus dont pas un seul enfant. S’appuyant sur les écrits de Simone Weil, il affirmait que l’honneur des Justes rejaillit sur le village, le pays, l’humanité tout entière. Il saluait les familles présentes très émues et accueillait Alain Geller, fils d’Esther qui, bouleversé, avait du mal à évoquer cette période. Aujourd’hui Esther et Charlotte sont de très vieilles dames qui ont gardé des liens vivants avec le village. Michel Alitenssi au nom de Yad Vashem, se félicitait de la présence des enfants et du travail réalisé en amont de cette cérémonie et disait « la bêtise bête » de ceux qui ont cultivé l’antisémitisme mais il y a eu les Justes… 26972 dans le monde, 4058 en France, 326 en Aquitaine, 18 dans les Landes. Des chiffres qui répondent aux premiers et pèsent dans la mémoire. Alain Geller, avec beaucoup d’émotion, disait à quel point sa famille est reconnaissante, lui qui, par son existence même, témoigne de la grandeur du geste. Enfin Boris Vallaud, député des Landes, concluait en évoquant Vichy, que « la vie d’un homme n’est pas divisible » et que la mémoire ne doit pas faillir. Un discours politique, « plutôt républicain » précisait-il plus tard. L’heure est à la mémoire et jamais le mot de juste n’a été mieux trouvé pour qualifier ces belles personnes dont on doit être fier et digne. »
Les « Justes »
Julien-Henri Justes
Né le 6 mars 1905 à Saint-Cricq-Chalosse. Agriculteur à Saint-Aubin. Marié le 29 janvier 1928 à Larbey avec Marthe-Agnès Menaut, née 25 janvier 1908 à Larbey, décédée 17/10/1978 Dax (alias le 3/10/1980).
Simonne Marguerite Meunier
Née le 2 juillet 1910 à Paris XIVe, épouse Joseph Justes le 27 octobre 1932 à Arcachon (Gironde), décédée le 8 mai 2004 à Dax.
Maurice Pierre Larrazet
Né le 3 avril 1913 à St-Aubin (Ferme Brayan), postier, décédé le 7 janvier 1997 à Mont-de-Marsan, épouse le 19 septembre 1936 à St-Aubin Cécile Lapeyre, née le 14 novembre 1911 à Rion-des-Landes,institutrice, décédée le 29 août 2001 à Hagetmau.
Documents
Sources
https://yadvashem-france.org/dossier/nom/3080A/
https://yadvashem-france.org/dossier/nom/3080/
« Connus ou inconnus, mais Justes » (CRIF Sud-Ouest) 2007 http://www.lhoumeau.com/w/Crif/SO/2008/images/2007Liv2comp.pdf
Autres sources
| ↑1 | Service Historique de la Défense – Archives de Caen |
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