La famille Gerbaez, cachée à Vielle-Tursan
La famille Gerbaez

La famille Gerbaez, cachée à Vielle-Tursan

Abraham Gerbaez (alias Garbaez alias Gerbacz) nait le 9 (alias le 22) juin 1895 à Horochow (alors dans l’Empire russe, puis en Pologne, aujourd’hui Horokhiv en Ukraine), fils de Hirsz/Hirsch et de Elta Stelman. Il épouse Ida Malmed (née en 1898 à Brest-Litovsk, dans l’Empire russe, puis la Pologne, aujourd’hui en Biélorussie), fille de Szypa/Chia, boulanger, et de Rywka/Rifka Packer.

Leur fille Hélène naît le 10 août 1924 à Brest-Litovsk (Pologne), Jean le 8 janvier 1926 « en Pologne », Georges le 25 juin 1928 à Brest-Litovsk, Maurice le 23 avril 1934 à St-Quentin (Aisne).

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La famille Gerbaez à la veille de la guerre (CDJC/Mémorial de la Shoah)

Ils s’installent en France vers 1930. Abraham est boulanger à Saint-Quentin, 9 rue des Bouchers.

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9 rue des Bouchers à St-Quentin

En 1940, la famille fuit l’avancée des troupes allemandes et s’installe à Saint-Loubouer dans les Landes le 16 juin.

Devant la montée des périls, ils décident de mettre leurs enfants en sécurité dans des fermes où, pour couvrir leurs frais d’entretien, ils participent aux travaux des champs.

Vers la fin de 1941, Abraham Gerbaez contacte ainsi les Lalanne pour les prier de donner asile à son fils Georges, âgé de treize ans. Jean-Baptiste Lalanne est le fils adoptif d’Omer et Olympe Brethoux. Pendant l’Occupation, il vit avec sa femme Marie et leur fils Pierre né en 1936, dans la ferme de ses parents à Vielle-Tursan (lieu-dit Brouès). Olympe Brethoux confectionne au petit Georges une chemise dans un vieux drap, le sabotier du village lui fabrique des sabots et les Lalanne lui montrent comment faire paître les moutons. Bientôt le jeune réfugié se sent à l’aise à la ferme, où tout le monde le traite avec bonté. Les parents le considèrent comme Pierre, leur propre fils.

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La ferme Brouès des Brethoux-Lalanne à Vielle-Tursan

Abraham et Ida sont verbalisés le 17 août 1942 à St-Loubouer par les gendarmes d’Aire-sur-l’Adour pour défaut de Carte d’identité d’étranger (ils attendent depuis 6 mois une réponse de la préfecture des Basses-Pyrénées à leur demande de prorogation).

Abraham est raflé le 26 février 1943 par les gendarmes français dans l’usine de charbon où il travaille (avec 24 autres hommes lors de la rafle des Groupements de Travailleurs Etrangers dans l’ancienne zone non occupée des Landes), et interné à Gurs le 27 en provenance d’Aire-sur-l’Adour (centre de rassemblement). Il est déporté à Sobibor par le convoi n° 51 au départ de Drancy (Gare du Bourget) le 6 mars, arrivé le 10. La quasi totalité des déportés de ce convoi sont immédiatement assassinés dans les chambres à gaz.

Lorsque Georges apprend l’arrestation de son père, il va chercher son jeune frère de neuf ans, Maurice, resté auprès de sa mère et l’amène à la ferme. Jean-Baptiste Lalanne persuade le propriétaire de la ferme voisine d’accueillir Maurice.

En 1944, Hélène sollicite l’aide de la Marquise de Guilloutet (interprète pour les Allemands et la préfecture, elle a aussi ses « bonnes œuvres », en particulier à la prison de Mont-de-Marsan) pour obtenir un secours. On apprend que l’aîné, Jean, est passé au maquis.

Les quatre enfants et leur mère survivront à l’Occupation. Leur oncle Charles Malmed vient les chercher après la Libération.

Après la guerre, Georges garde le contact avec les Lalanne et tout particulièrement leur fils Pierre, qui était devenu son ami.

Le 16 novembre 1948, ‘’L’Aisne Nouvelle’’ publiait un article sur l’inauguration du mémorial pour les Juifs de Saint-Quentin, morts en déportation : ‘’Les Juifs de Saint-Quentin n’oublient pas leurs compatriotes morts au champ d’honneur ou victimes de la barbarie nazie », sur lequel figure Abraham Gerbaez.

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Monument commémoratif de St-Quentin

Le 26 mars 1998, Yad Vashem a décerné à Jean-Baptiste et à Marie Lalanne le titre de Juste parmi les Nations.

Une cérémonie de reconnaissance était organisée le 6 Septembre 2001 à la mairie d’Arboucave, où Pierre Lalanne s’était retiré.

Colette Gerbaez, la fille de Georges, reste très impliquée dans le « devoir de mémoire » : lors d’une cérémonie à Agen, elle s’est dite reconnaissante de l’implication de citoyens anonymes. « Mon père, Georges Gerbaez, a été caché à Saint-Loubouer (sic) dans les Landes durant cinq ans, par tout un village. Nous sommes des enfants de rescapés ». [1]La Depêche du 19/07/2010.

Jean Gerbaez, naturalisé en 1948, est décédé le 25/02/2017 à St-Quentin (02), Georges le 6/09/2004 à Reims (15), Maurice le 13/01/2019 à St-Michel (16).

Les Justes

Jean-Baptiste Lalanne, né le 26 mars 1911, domestique, agriculteur, décédé le 19 février 1993 à St-Sever.

Marie Henriette Montauzé son épouse, née le 26 septembre 1914 à Montsoué, domestique, cultivatrice.

Pierre dit Gomer Brethoux, né le 3 juillet 1871 à Vielle-Tursan, cultivateur à Vielle-Tursan, maison Brouès, père adoptif de Jean-Baptiste Lalanne, avec son épouse Olympe, née en 1883 à Larrivière.

Pierre Robert Lalanne, le fils de Jean-Baptiste et Marie-Henriette, né le 3 janvier 1936 à Vielle-Tursan, est décédé le 8 décembre 2022 à Aire-sur-l’Adour.


Documents


Sources

https://yadvashem-france.org/dossier/nom/7982/

Témoignage de Georges à Yad Vashem : https://yvng.yadvashem.org/nameDetails.html?language=fr&itemId=743446&ind=1

Serge Klarsfeld, La rafle et les deux convois qu’il ne faut pas oublier (2020)

https://klarsfeld-ffdjf.org/publications/livres/2020-Livre-de-la-rafle-et-des-convois-50-et-51-348-pages/mobile/

Souvenirs de Léon Malmed « Nous avons survécu. Enfin je parle » :

https://digitalcommons.unl.edu/zeabook/23/

Autres sources

Autres sources
1 La Depêche du 19/07/2010