Jean André dit « Dédé » Soussotte alias « Lanneret »
En captivité

Jean André dit « Dédé » Soussotte alias « Lanneret »

Né le 5 septembre 1923 à Hinx, maison Sanguinède, André Soussotte est le fils de Jean, tailleur d’habits et de Mathilde Lagrasse.

Il rejoint l’équipe de la Jeunesse Agricole Catholique de l’Abbé Bordes, puis entre à l’École des Mousses à Brest (Finistère) à l’âge de 16 ans en octobre 1939. Il signe ensuite un engagement de cinq ans dans la Marine nationale et est promu matelot apprenti marin, puis matelot de 2e classe, et suit une formation de radiotélégraphiste sur l’ancien cuirassé « Océan » transformé en navire-école.

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A sa sortie de l’école, en janvier 1941, et jusqu’au sabordage de la flotte française le 27 novembre 1942 à Toulon, il est affecté sur divers navires de la zone non-occupée.

De retour dans ses terres, dès le mois de décembre, recruté par l’Abbé Bordes, il rejoint le réseau de Résistance « Alliance » comme opérateur radio sur la région Sud-Ouest, secteur « Hangar », zone maritime Sea Star à Bordeaux, avec le pseudonyme de « Lanneret ».

Il assure alors pendant un an des émissions quotidiennes avec Londres, informant de tout ce qui se passait sur les côtes atlantiques de La Rochelle à Bilbao (Espagne). Pour ne pas se faire repérer il se déplace fréquemment, emmenant avec lui son émetteur dans une valise, et il transmet parfois depuis Dax (chez l’Abbé Bordes), ou bien depuis la maison familiale de Hinx.

Grâce aux renseignements qu’il envoie, en particulier sur les mouvements de l’arsenal et de la base sous-marine allemande de Bordeaux, les Allemands subissent de lourdes pertes dans le Golfe de Gascogne (une dizaine de sous-marins et plusieurs cargos venant d’Espagne coulés, des hydravions de la Luftwaffe abattus, etc.).

Tous les services de radiogoniométrie allemands du Sud-Ouest de la France sont donc mobilisés pour le repérer.

Le 7 décembre 1943, alors que « le pianiste », surnom qui lui fut donné par ses camarades, est en pleine transmission boulevard Pierre Ier de Serbie, à Bordeaux, il est localisé par les services allemands. Avant d’être arrêté par la Gestapo, il a la présence d’esprit d’envoyer un SOS à la centrale londonienne en codant « ils sont dans l’escalier ». Son camarade Fanfan Laborde, lui aussi ancien protégé de l’abbé Bordes, qui faisait le guet dans la rue, est également appréhendé.

D’autres arrestations suivent, dont celle de l’abbé Bordes le 18 décembre à Dax. Au total une dizaine de membres du réseau sont capturés.

André Soussotte est incarcéré au fort du Hâ (« dans une horrible cellule pleine de poux, de puces et autres bêtes »), pour y être interrogé et torturé, puis transféré par wagon au camp de Compiègne le 18 janvier 1944, avant de repartir le 27 en fourgons à bestiaux vers l’Allemagne (« à 100 par wagon, où nous sommes restés trois jours et trois nuits, sans boire ni manger ») et le camp de Buchenwald, où il arrive le 1er février. Le 4 mars, il est transféré à la prison d’Offenburg (Bade-Wurtemberg) où il subit encore des interrogatoires, en vue de son « procès ».

Le 3 mai, la Gestapo de Strasbourg transmet un dossier d’accusation « d’espionnage au profit d’une puissance ennemie », visant également 7 autres membres du réseau, au Tribunal de guerre du Reich qui y appose les tampons « secret » et « affaire concernant des détenus » ainsi que la mention « NN » (Nacht und Nebel-Nuit et Brouillard). Le 10 septembre il est remis, ainsi que les autres prisonniers, à la disposition de la Gestapo de Strasbourg ce qui signifiait qu’il n’y aurait pas de jugement… Le 27 octobre 1944 André Soussotte est à nouveau déplacé avec le matricule 44079 au camp de Gaggenau (Allemagne), au nord-est de Strasbourg.

André et ses camarades sont employés au déblaiement de la ville, durement touchée par les bombardements alliés. Devant l’avancée de ces derniers, les Allemands évacuent les camps, et le 28 novembre, il est averti qu’il allait quitter la ville, et cette nouvelle ne le rassure pas comme en témoignent les deux lettres pleines de lucidité qu’il rédige le lendemain pour ses parents et sa fiancée.
Le 30 novembre vers 17 h, André Soussotte ainsi que ses huit compagnons d’infortune sont emmenés en camionnette pour une destination inconnue. Quatre pelles significatives de ce qui allait arriver étaient placées auprès des condamnés.

Après la Libération, sur les indications d’un prêtre alsacien, l’abbé Hett, qui avait été leur camarade de détention, un charnier fut découvert dans la forêt d’Ottenau, près de Gaggenau. André Soussotte et ses huit camarades avaient été fusillés à cet endroit et jetés dans deux entonnoirs de bombes. Son corps fut rapatrié en France à Strasbourg le 10 juillet 1945, où il fut identifié par sa mère.

La dépouille d’André Soussotte et celle de son ami, l’abbé Bordes, arrivèrent le 4 novembre à la cathédrale de Dax, où le 12 eurent lieu des obsèques solennelles. Un cortège impressionnant tira ensuite le char funèbre jusqu’à leur dernière demeure. Toute la jeunesse locale l’accompagna ensuite jusqu’à l’église de Hinx, où le 14 novembre les obsèques furent célébrées par l’abbé Hett, en présence de toute la population (tandis que l’abbé Bordes était inhumé à Gamarde).
Elevé au grade de lieutenant, il reçut à titre posthume la Médaille de la Résistance avec rosette ainsi que la Médaille militaire et la Croix de Guerre 39-45 avec palmes en 1946, puis la Médaille de la Libération et fait chevalier de la Légion d’honneur en 1954. Il obtint la mention « Mort pour la France », et la mention « Mort en déportation » en 2011.

En 1946 sa mère recevra un « diplome de service » signé de la main même du maréchal Montgomery.

Le 12 mai 1946, une plaque était inaugurée à l’école communale de Hinx, et à cette occasion le directeur de l’école et ami d’André fit aux élèves l’allocution suivante : « Lorsque dans un moment d’ennui ou de paresse, vous lèverez la tête vers cette plaque de marbre, ce nom en lettres dorées d’André Soussotte vous engagera à surmonter votre défaillance. Il vous rappellera que le devoir n’est pas toujours facile à accomplir. Il vous faudra beaucoup de persévérance et de courage dans la vie qui commence pour vous ».

Son nom figure sur le monument aux morts de Hinx et sur la plaque commémorative du réseau Alliance à l’entrée de la base sous-marine de Bordeaux, avec une citation de Marie-Madeleine Fourcade concernant les membres bordelais du réseau :

« Leur sacrifice a permis de renseigner le Commandement Allié sur les mouvements des navires militaires allemands, sous-marins et torpilleurs arrivant et partant de l’Arsenal de Bordeaux. Bientôt, on ne saura plus ce qu’ils ont fait, ni pourquoi ils l’ont fait, même si c’était nécessaire de le faire, voire on les plaindra d’être morts pour rien. Je voudrais qu’on ne les oubliât pas et que l’on comprît surtout quelle était la divine flamme qui les animait… Madame Marie-Madelaine Fourcade (Hérisson). »


Sources

Archives du CPRD

https://reseaualliance.org/2022/06/30/andre-soussotte-lanneret-secteur-hangar/

https://fusilles-40-44.maitron.fr/spip.php?article188144, notice par Jean-Louis Ponnavoy