Pierre Louis Giret
18 juin 1943 : Giret dénoncé sur Radio-Londres

Pierre Louis Giret

Il est né le 28 février 1916 à Vielle-Saint-Girons, où ses parents sont instituteurs.

Il épouse le 14 novembre 1937 à Vielle-Saint-Girons Marie Jeanne Saphore, institutrice.

1938 – MAI 1942 : MILITANT COMMUNISTE

En poste à Sabres en 1938-1939, il y est le chef de la section communiste, trésorier de la Fédération Landaise de l’Union des Jeunesses Agricoles de France.

Incorporé à la déclaration de guerre à la section des  C.O.A. (Commis et Ouvriers d’Administration) de Bordeaux, il est démobilisé fin juin 1940 et muté avec son épouse à Argelos fin septembre 1940.

Surveillé comme communiste dès décembre 1940, Pierre Giret établit, à l’été 1941, des contacts avec des militants du Parti communiste qu’il a connus à l’armée (hébergement de camarades, distribution de tracts et de journaux…). Il fait l’objet d’un mandat d’arrêt dès le 24 novembre.
Il est condamné par contumace aux travaux forcés à perpétuité le 27 mars 1942 par le tribunal militaire de Toulouse pour « des faits d’activité communiste et détention de matériel de diffusion ». En fuite, considéré, en 1942, comme un « militant communiste dangereux », il est recherché par le Service de police régionale de Bordeaux (circulaire du 2 juin 1942).

Pierre Giret (pseudonyme « Albert »), désigné comme responsable à la propagande sur Bordeaux, est arrêté avec son épouse le 25 mai 1942 à 9 h par la brigade du commissaire Poinsot, lors d’un rendez-vous devant le Parc des sports. Il est arrêté à la suite de la capture de Jean André Sedze-Hôo, responsable de la propagande du Parti communiste clandestin pour le Sud-ouest (fusillé à Souge le 21 septembre 1942).

MAI – AOÛT 1942 : ARRESTATIONS A BORDEAUX

Interrogé les 26 et 28 mai, Pierre Giret livre rapidement des informations permettant d’arrêter quelques personnes (dont Georges Randé). Le 30 mai, il fausse compagnie aux trois inspecteurs qui l’ont conduit à son domicile 8 rue du Taillan à Bordeaux, sautant par la fenêtre, et son épouse s’évade de l’hôpital St-André le 12 juin. Dans leur cavale, ils se font héberger par plusieurs familles de militants.

Il est repris le 27 juillet 1942125 rue des Terres-de-Bordes toujours à Bordeaux.

Pour se racheter de son évasion, Pierre Giret complète spontanément ses premières déclarations sur l’organisation communiste clandestine (en particulier dans les Landes), puis il se met totalement au service de la police française et de la Gestapo de Bordeaux (KDS) comme indicateur et agent provocateur. Son épouse est gardée en otage comme garante de sa bonne foi, tandis qu’il est envoyé dans les Landes.

Lors de son interrogatoire du 13 août, l’épouse de Pierre Giret elle-même dénonce la famille Antoine qui l’a hébergée une dizaine de jours après son « évasion » de l’Hôpital Saint-André. Elle révèle les « paroles imprudentes échappées au jeune Antoine » (Michel, 10 ans) : « le père aurait caché des revolvers ». Elle ajoute : « suivant les dires de la mère, des armes, des bombes et des pièces détachées de mitrailleuses seraient également cachées dans une maison dont elle a la garde. J’ai l’impression que ce dépôt intéresse une organisation gaulliste ». Le 26 août 1942, toute la famille Antoine est arrêtée par la police française. René Antoine sera fusillé le 21 septembre 1942, à Souge, par les autorités d’occupation, après avoir subi les interrogatoires répétés des policiers du commissaire Poinsot.

Plusieurs sympathisants et militants communistes de Bordeaux sont ainsi identifiés, arrêtés, emprisonnés au Fort du Hâ (Bordeaux) torturés, fusillés au camp de Souge (21 septembre 1942) ou déportés (à Auschwitz en 1943).

AOÛT-SEPTEMBRE 1942 ARRESTATIONS DANS LES LANDES

Le 26 août, Giret remet un rapport très complet sur l’organisation communiste clandestine dans les Landes.

Le 28, ce sont 14 communistes qui sont arrêtés

« En septembre et octobre 1942, alors que la Résistance peine à s’organiser, une répression féroce s’abat sur elle. Dans les Landes, plus de 100 résistants sont arrêtés. Les communistes du Front National de lutte pour la liberté et l’indépendance de la France payent un lourd tribut. 39 d’entre eux sont fusillés ou périssent en déportation. Le soir du 29 août 1942, se sachant plus menacé que jamais, Gaston Biremon quitte son domicile, muni de faux papiers au nom de Barbier. Il se réfugie à Sabres, théoriquement une simple étape sur la route des Charentes. C’est probablement là qu’il sera abattu par ses camarades induits en erreur par des arrestations inexpliquées, une descente des feldgendarmes à la ferme sabraise où Biremon s’était arrêté, et une liste de noms de résistants qui a circulé. Tout est pourtant l’oeuvre de Giret ». [1]Sud-Ouest 13/03/2013.

Le 4 septembre, ce dernier tend une souricière à Morcenx, mais est arrêté par erreur par les gendarmes. Il est relâché par ordre des autorités allemandes.

Le 20 septembre, 65 arrestations touchent encore la résistance landaise.

Le 26 septembre, en récompense de ses bons services, Giret est définitivement libéré, ainsi que sa femme. Il devient l’agent n° 155 du K.D.S. de Bordeaux, rémunéré 5.000 francs par mois.

OCTOBRE 1942 – MARS 1943 : ARRESTATIONS DANS LES PYRENEES-ATLANTIQUES (ET EN CHARENTE)

Après les Landes, ce sont les « Basses-Pyrénées » qui sont la cible des services allemands.

Giret arrive avec la brigade Poinsot à Bayonne le 8 octobre. Près de 90 arrestations au total, effectuées en un mois sur la Côte Basque, de Tarnos à Hendaye, et à Orthez principalement, décapitent la résistance communiste dans le département des Pyrénées-Atlantiques. Le lundi 26 octobre est à ce titre un jour sombre, qui voit 52 arrestations le même jour.

Tombent ainsi aux mains de la Brigade Poinsot, puis des Allemands, le trésorier régional du PC, des responsables des Jeunesses communistes, responsables du matériel, etc.

« Dans le courant du mois d’octobre 1942, le nommé Giret est venu chez ma sœur et lui a demandé où j’habitais. Ma sœur lui a fourni le renseignement, il a paru satisfait et en partant il a dit que l’on me fasse la commission suivante : « je viendrai le voir dimanche, je suis un délégué ».

« Effectivement le dimanche suivant 25 octobre 1942, Giret est venu à Orthez et nous nous sommes rencontrés. Il m’a fourni le mot de passe conventionnel, c’est alors que j’ai cru qu’il avait une mission officielle à remplir. Nous avons discuté sur pas mal de choses ayant trait au Parti communiste, et il m’a demandé de constituer un groupe de F.T.P. pour la région d’Orthez. Nous nous sommes quittés en nous fixant un rendez-vous pour le lendemain lundi vers 13 heures. »

« Je me suis rendu comme convenu à ce rendez-vous mais malheureusement en arrivant j’ai été arrêté en présence de Giret , qui se trouvait avec les policiers. Je fus conduit à la prison d’Orthez et mis au secret, puis je fus amené au fort du Hâ, où j’ai subi de nombreux interrogatoires. Je n’ai jamais voulu parler, et pour cette raison les inspecteurs de la S.A.P. m’ont frappé si fort que j’ai été gravement malade. Le 18 janvier 1943, avec mes autres camarades nous avons été amenés au camp de Compiègne, mais là mon état de santé étant aggravé je fus dirigé à l’hôpital au Val-de-Grâce, où je fus bien soigné par les autorités françaises. En décembre 1943 grâce à l’aide fournie par le Parti Communiste j’ai pu m’évader, je me suis rendu en Normandie. »

« Ma convalescence a duré 2 mois, et ensuite j’ai repris la lutte dans la clandestinité. »

« Je suis affirmatif, Giret a trahi son parti et sa patrie, c’est lui qui est l’auteur des huit arrestations faites à Orthez par la brigade Poinsot. Tous mes amis ont été maltraités, 6 ont été déportés et aujourd’hui on doit déplorer la mort de deux d’entre eux, mort survenue dans les camps de concentration en Allemagne. »

Audition de Rémy Larrejuzan le 9 août 1945

FIN 1942 – AVRIL 1943 : LA CHUTE DE GIRET

Fin décembre 1942, Giret, avec sa femme et son enfant, « habitent à Bordeaux une maison gardée par des Allemands ».

Il semble ne pas être étranger aux arrestations touchant la Résistance en Charente en février 1943, il est cependant à cette date détenu au Fort du Hâ, interrogé par le commissaire Poinsot.

Fin mars, il permet à nouveau l’arrestation de 38 résistants communistes de la Côte Basque. Les principaux responsables communistes échappent néanmoins au coup de filet, et Giret, qui semble tenter de jouer triple jeu, en est rendu responsable par Poinsot, ce qui va entraîner sa troisième arrestation, par les Allemands.

Giret est détenu au fort de Romainville (93) à partir du 16 avril 1943Le 16 juin, il est dénoncé comme traître sur Radio-Londres (on l’accuse d’être à l’origine de 165 arrestations).

Le 23 août, il est déporté à Mauthausen (Autriche) où il arrive le 27. Il est affecté au kommando de Vienne-Schwechat (usine d’aviation Heinkel). Son épouse est déportée en octobre.

Le 1er avril 1945, c’est l’évacuation du camp face à l’avancée des Alliés. Il quitte Vienne-Florisdorf, fait halte à Steyer, à 35 km de Mauthausen, jusqu’au 26/27 avril.

Il est libéré de Mauthausen-Gusen le 5 mai (par les Américains), et aurait été, selon André Curculosse, rapatrié le 19 mai dans le même avion qu’André Arlas, de Tarnos. Les deux hommes se connaissaient. Arlas aurait alerté les autorités à son arrivée à l’hôtel Lutetia à Paris, mais Giret a disparu.

En juin, la Brigade de Surveillance du Territoire de Bordeaux ouvre une enquête sur le rôle de Giret pendant la guerre. Un mandat d’arrêt est émis le 25 août, et le 12 janvier 1946, il est condamné à la peine de mort par contumace par la Cour de Justice de Bordeaux

Le 19 janvier 1946 son divorce est prononcé.

Cependant en mai 1955, il est indiqué comme professeur à Aire-sur-l’Adour. Sur sa petite fiche établie par le Ministère des Anciens Combattants [2]DAVCC _SHD Caen_cote AC 401073, deux adresses sont mentionnées :

Route de Mestade Aire s/Adour

88 rue Michel Ange Paris XVI

Le 13 janvier 1966, sa condamnation à mort est prescrite (20 ans après la condamnation).

Devenu antiquaire, domicilié à Montauriol (Pyrénées-Orientales), au Mas Anglade, il est décédé à dans un lit d’hôpital à Perpignan le 8 août 1985.


SOURCES :

https://maitron.fr/spip.php?article225269 (notice GIRET Pierre, Louis par Claude Pennetier, version mise en ligne le 1er avril 2020, dernière modification le 17 mars 2021).

http://www.memoirevive.org/aurore-pica-31742/

https://www.retours-vers-les-basses-pyrenees.fr/2022/09/revenu-de-deportation-pierre-louis.html

Témoignage d’Albert Descoutey, ancien Résistant, revient sur la Résistance communiste au Boucau (Pyrénées-Atlantique) et à Tarnos (Landes), à l’occasion des commémorations des 70 ans de la rafle des Résistants des ces deux villes les 26 et 27 octobre 1942 : https://www.ville-tarnos.fr/albert-descoutey

Curculosse (A.), « Résistance en Pays d’Orthe. Groupe Paul Manauthon », Atlantica, 2002


DOCUMENTS

Autres sources

Autres sources
1 Sud-Ouest 13/03/2013
2 DAVCC _SHD Caen_cote AC 401073