Raoul Jean Alexandre Laporterie est né le 13 août 1897 à Bascons, fils de Paul, « chef de musique » à Mont-de-Marsan, et d’Anna Tauzin, « ménagère ».
Il fréquente l’Ecole primaire à Mont-de-Marsan (où habitent ses grands-parents), puis à Aire-sur-l’Adour, et enfin à Bascons pour aider sa mère au magasin.
Commerçant en confection hommes à Mont-de-Marsan, il est mobilisé en août 1916 (18e R.I.), aux armées en février 1917. Prisonnier en juin 1918, il est interné à Brême, puis s’évade. Rapatrié en décembre 1918, il est nommé caporal et décoré de la médaille interalliée « de la Victoire » et de la médaille commémorative française « de la Grande Guerre ».
Il épouse en juillet 1919 à Grenade-sur-l’Adour Narcisse Laure Guilhem (originaire de Grenade). Une fille, Irène, nait en 1921.
Installé à Grenade, il développe petit à petit son activité commerçante (plusieurs magasins) et devient maire de Bascons en 1935, conseiller régional/d’arrondissement en 1936.
Il est nommé officier d’Académie en 1938, chevalier du Mérite Agricole en janvier 1939.
Ami du député Robert Bézos, il est aficionado (en 1968, il sera à l’origine de la création du sanctuaire Notre-Dame de la Course Landaise à Bascons).
Avec le déclenchement de la Seconde Guerre mondiale, il est chargé, en 1940, de gérer l’afflux de réfugiés alsaciens dans les Landes. De nombreux Alsaciens apprennent le français à Bascons. En septembre 1940, la plupart des Alsaciens rentrent en Alsace occupée, à l’exception des Juifs, interdits de séjour par les Allemands.
Possédant un magasin à Mont-de-Marsan (« la Petite Maison ») et habitant à Grenade, il dispose d’un laisser-passer, et commence par passer du courrier d’une zone à l’autre (avec la complicité de Mme Darriet à la Poste).
« Monsieur, lui écrit Mlle Alsberghe, qui habite Tourcoing, j’ai eu cet après-midi votre adresse par une amie et j’ose croire que vous m’excuserez de prendre la liberté de vous demander un service qui n’est pas sans danger pour vous. Si vous croyez pouvoir faire parvenir cette lettre, vous me rendriez très heureuse, car mon fiancé est sans nouvelles depuis un mois… « .
Raoul Laporterie fait un paquet des dizaines de lettres que le facteur lui apporte et les glisse sous les coussins de sa voiture. Au total, ce sont des milliers de lettres qui passent ainsi la ligne, et bientôt des centaines de personnes (jusqu’à 50 en une seule journée !).
Avec l’aide de son employé André Tachon, d’Abel Oppenheimer (celui-ci, juif, secrétaire parlementaire de Robert Bézos, est employé peu après l’Armistice comme comptable dans le magasin de Mont-de-Marsan ; il est arrêté en juin 1941 dans la région de Captieux, mais finalement libéré, et devient même traducteur pour le compte des Allemands !), ainsi que du secrétaire de la mairie de Bascons Dumartin, il fabrique de faux papiers pour les candidats au passage de la ligne de démarcation, en utilisant les identités de ses administrés défunts. Il les retrouve souvent au Café de la Poste de Mont-de-Marsan (il fait par exemple passer Jacques Pills, Clara Malraux…).
Pour franchir la ligne de démarcation, les passagers de sa voiture ont besoin d’un laissez-passer. Raoul Laporterie dispose d’un grand nombre de formulaires en blanc (fournis par Jean Larrieu, le maire de Mont-de-Marsan), il y appose la photo de ses passagers, auxquels il recommande de rester calmes et de paraître naturels lors des contrôles.
Le poste de contrôle est situé à la sortie de Mont-de-Marsan, sur la route d’Aire-sur-l’Adour, dans un creux de terrain. Les gardiens autrichiens le connaissent bien et le laissent passer sans embûche. Pourtant, s’il avait été pris en flagrant délit, non seulement d’utilisation frauduleuse de documents officiels mais aussi accompagné de Juifs qu’il tentait de faire passer d’une zone à l’autre, il risquait la prison et la déportation.
Raoul Laporterie ne demande jamais la moindre contrepartie à ceux qu’il aide.
Il sauve ainsi 1600 réfugiés chrétiens ou juifs en les passant en zone libre à bord de sa vieille Juvaquatre.
Il semble aussi qu’il ait recours à des pots-de-vin, sous la forme de pièces de viande de porc, pour libérer des Juifs emprisonnés…
Il s’engage également dans des actes de résistance dès 1940 (attestation d’appartenance aux FFC du 1/01/1941 au 1/09/1944, Réseau Jade-Amicol (Agent P. 1)).
Domcilié à Grenade-sur-l’Adour, il est également en relation avec René Vielle (il est l’Agent 33).
Il passe des courriers pour Londres, mais en mai 1941, la Gestapo est à Bascons…
Dans son réseau, on trouve un Autrichien anti-nazi de la base aérienne, le maire Larrieu, un Alsacien au poste de contrôle, etc. L’essence pour sa Juvaquatre est dérobée par le garagiste Dupeyron sur la base aérienne, où celui-ci travaille.
En juillet 1941, il imprime avec Vinet un journal clandestin sur les presses de La République de Pau.
Dans ses relations, on trouve également le commandant Weill, de Grenade, qu’il avait fuie sur dénonciation, pour Toulouse, où il dirige le journal clandestin « Franc-Tireur ».
En août 1941, il échappe de peu à l’arrestation à Mont-de-Marsan.
En novembre 1942, il entre dans la clandestinité à Pau.
Mais il continue ses activités, venant en aide aux réfractaires au STO, qu’il aide à passer en Espagne ou à rejoindre le maquis (avec l’aide de Tachon, devenu hôtelier à Aire).
Il échappe ensuite à une rafle à Toulouse, où il se trouvait pour récupérer des exemplaires de « Franc-Tireur » pour les Landes.
Il fournit aux Alliés des renseignements qui permettent le bombardement des bases allemandes de Pau et Mont-de-Marsan, ainsi qu’un relevé des défenses allemandes de la côte atlantique (1944).
Après la fin de la guerre, il aide aussi à la libération des prisonniers de guerre allemands de Buglose (employés chez lui), ou bien calme une foule qui voulait s’en prendre à une femme qui avait été trop proche des Allemands.
En novembre 1945 Raoul Laporterie se voit décerner la Croix de Guerre pour ses activités pendant l’Occupation. Pour marquer cette occasion, plusieurs Juifs qui devaient la vie au maire courageux lui remirent une lettre de remerciements et de louange.
Il est décoré de la Médaille de la Reconnaissance française en 1947, Croix de Guerre avec palmes en 1953.
Le 18 mars 1976, Yad Vashem décerne à Raoul Laporterie le titre de « Juste parmi les Nations ». En 1980, en Israël, il put planter le traditionnel caroubier dans le Jardin des Justes à Jérusalem, accompagné d’Esther Lévy et de Rivka Cassutto, deux sœurs qu’il avait sauvé des camps.
Il reçoit encore la Croix du Combattant Volontaire en 1978, et, enfin, est fait chevalier de la Légion d’Honneur en 1989.
Il est décédé le 27 février 1992 à Saint-Sever.
Quelques Juifs aidés par Raoul Laporterie :
Abel Oppenheimer (1940).
Léo Castel (Dewachter Bordeaux).
Un membre de la famille Rothschild (château en Bordelais)
M. Angel, fourreur bordelais
Une dentiste d’Arcachon et ses deux filles, mais elle est prise au poste de contrôle avec des lingots d’or en août 1941 (pour rejoindre son fils dentiste, déjà passé par Laporterie précédemment).
M. et Mme Lamothe, de Bordeaux, qui seront ensuite arrêtés en Zone Sud et internés à Gurs. Ils s’en échappent et viennent à Bascons où R. Laporterie leur trouve un refuge. Dénoncés, ils sont arrêtés à nouveau en octobre 1943. M. Lamothe est envoyé au camp de représailles de Muret (31), mais R. Laporterie obtient sa libération (alias du camp de Gurs). Le 12 octobre 1943, revenus chez M. Laporterie, ils échappent de peu à une nouvelle arrestation.
M. Zawidowicz, en 1941, pour transporter une partie de son stock de vêtements à Grenade (chez M. Laporterie). Une descente de la police de Pau s’ensuit, ainsi qu’un procès, mais R. Laporterie ne sera pas condamné.
Nissim Yaeche, commerçant rue Ste-Catherine, sa femme Sarah (née Safaty) et leurs 3 enfants, Huguette, 14 ans, Albert, 10 ans (à l’âge de 12 ans, R. Laporterie lui confie des missions pour la Résistance, sous le nom d’Agent « Popote ») et Roger, 5 ans (en octobre 1940). Ils confient leur magasin à un voisin, cachent leurs biens, font des photos d’identité. M. Laporterie vient les chercher dans sa Juvaquatre. Il les cache dans un appartement de Mont-de-Marsan prêté par un ami. Il revient tôt le lendemain avec de faux papiers. Il les loge ensuite dans sa maison natale à Bascons (avec la complicité de sa cousine Germaine Gourdon et de la population de Bascons). Mais face à la montée des menaces, ils passent en Zone Non Occupée, à Limoges, puis, grâce à l’aide de R. Laporterie (certificats de baptême), à Lestelle-Bétharram jusqu’à la fin de la guerre.
Sources :
AJPN
Bacque (James), Just Raoul; The Private War Against the Nazis of Raoul Laporterie, Who Saved Over 1,600 Lives in France (Rocklin, CA: Prima, 1992) (Un certain nombre d’ouvrages de cet historien amateur ont été l’objet de controverses et de critiques de la part des historiens).