Il est né le 30 octobre 1915 à Toulouse (Haute-Garonne), 58 Allée Lafayette, fils de Frédéric, ingénieur métallurgiste et d’Ida Séguier.
Son père Frédéric ESTEVE est né en Ariège le 23 mars 1886. Ingénieur des arts et métiers, il arrive à Mont de Marsan après le premier conflit mondial pour succéder à la famille TINARRAGE à la tête de la fonderie du même nom qu’il dirigea pendant un demi-siècle, située avenue de la Gare, spécialisée dans les machines agricoles. Il est conseiller Municipal de Mont-de-Marsan de 1925 à 1932 et de 1935 au 30 août 1944, et second maire-adjoint (désigné par arrêté préfectoral) du 20 juin 1941 au 30 août 1944. Il sera également vice-président de la chambre de Commerce et d’Industrie des Landes et Président du Tribunal de Commerce. Promoteur et animateur de la formation professionnelle dans le département des Landes, il est considéré comme le pionnier de l’enseignement technique. En 1936, il contribue à la création, à Mont-de-Marsan, des nouveaux ateliers de la section professionnelle des Arènes. Lesquels sont devenus le Lycée Professionnel Frédéric ESTEVE lors de leur déménagement à leur actuel emplacement, en 1977. Il est décédé à Mont de Marsan, le 14 juin 1977. Son action fut récompensée par la Croix de Chevalier de la légion d’honneur.
Après de brillantes études au lycée Victor Duruy de Mont-de-Marsan, il suit une prépa à Ste-Geneviève à Paris. Reçu à l’Ecole Centrale des Arts et Manufactures en 1937, à la déclaration de guerre, il est affecté en Afrique du Nord, puis démobilisé à Toulouse.
Diplômé, il est nommé ingénieur (Travaux Publics et Mines) à Saint-Louis du Sénégal fin 1941.
Le 15 mars 1943, il rejoint la France Libre, intégrant le Groupe d’Artillerie Coloniale à Marrakech.
En février 1944, à sa demande, il est affecté au B.C.R.A. à Alger, volontaire pour effectuer une mission en France occupée. Il va recevoir une formation en Grande-Bretagne pour intégrer un « team Jedburgh ».
Sue la base de Peterborough, les « Jedburghs », avant d’être intégrés, subissent d’impitoyables tests de sélection puis sont transformés en officiers d’élite, aptes à toutes les formes de combat. Les instructeurs britanniques impriment à l’entraînement un rythme infernal. Pas de temps mort : sautillement sur place et pas-de-gymnastique étaient le seul repos consenti. Tous les exercices étaient effectués en situation de « guerre », à balles réelles, le plus souvent de nuit et dans toutes les disciplines : chiffre, radio, tir, sabotage, explosifs, escalade, évasion, combat de rue à mains nues, avec pelle, pioche, dague, cailloux. La formation de six mois s’achève à Ringway (Manchester) par cinq sauts en parachute (dont deux à partir de ballon captif par mauvais temps), en moins de 48 heures.
Il retourne à Alger fin juin et est nommé capitaine pour la durée de sa mission.
Il décolle de l’aéroport de Blida le 16 août à 23 heures et est parachuté le 17 août vers 6h sur le terrain au nom de code « Buffalo Bill » à Bouzon-Gellenave (Gers) avec les autres membres de son « team Jedburgh », le « team » « Miles » : le capitaine américain E. T. Allen et le radio américain A. Gruen (ainsi que 13 conteneurs). Ce parachutage concerne aussi le capitaine britannique Anthony Mellows qui, bien que blessé à l’atterrissage, se joindra aux précédents pour leur mission à Mont-de-Marsan. Cinq autres parachutistes alliés sont du voyage, ce qui n’était pas prévu.
Ils rejoignent le P.C. du Bataillon de l’Armagnac à Avéron-Bergelle (à quelques kilomètres), où ils trouvent un maquis de près d’un millier d’hommes, commandés par le capitaine Parisot et « encadrés » par le colonel George R. Starr alias « Hilaire » alias « Gaston », un agent du S.O.E. Il rencontre également Serge Ravanel, chef militaire régional F.F.I. venu de Toulouse.
Dans l’après-midi du 18 arrivent au campement Frédéric Estève (qui retrouve son fils après 3 ans de séparation et 3 mois sans pouvoir correspondre) et son ami Aldo Molésini, directeur des Usines Hinard. Celui-ci est accompagné de son chauffeur Pierre Hiquet, athlète montois, mécanicien automobile et responsable de la maintenance des véhicules de la fonderie Estève. Ils leur font part de leur inquiétude quant au départ imminent des Allemands du chef-lieu des Landes.
Néanmoins ils suivent le Bataillon de l’Armagnac vers l’est et entrent dans Auch le 19. Ils y sont rejoints dans l’après-midi par Molésini et le secrétaire général de la préfecture, arrivés dans la voiture officielle de la préfecture. Les Allemands veulent négocier leur départ, mais exigent d’avoir des garanties de la part d’officiers alliés (et le préfet Gazagne souhaitait qu’un Montois participât à la Libération de la ville). Ils ne sont pas autorisés à repartir immédiatement (les routes ne seraient pas sures) et doivent dormir à Auch.
Le 20 août, après avoir déjeuné à Nogaro, ils sont conduits (par Aire et Grenade) jusque chez le Dr Galop à St-Médard vers 17/18 heures. René Estève peut enfin aller embrasser sa mère.
Vers 20h à l’auberge Dupeyron à Bougue, une réunion a lieu afin d’organiser les lendemains de la « libération » de Mont-de-Marsan, à commencer par les fêtes de la Libération. Sont présents :
- MM. Mourer (secrétaire de la préfecture) et Miremont (chef de service).
- Allen, Mellows et Estève
- Molesini
- Léon des Landes (Corps-Francs de la Libération (ex AS ex MUR) pour la zone est des Landes et OCM de la région ouest des Landes. « Il était volubile et voulait être autoritaire malgré sa petite taille » et son adjoint Jean des Landes
- Le colonel de Milleret alias « Carnot », chef d’un groupement du Corps Franc Pommiers de l’ORA, « chef militaire pour les Landes »
L’ambiance est électrique. On note l’intervention énergique d’Estève (dont un certain nombre d’ouvriers de son père, ayant rejoint la Résistance, sont dans la salle) pour régler la pagaille.
Il dort chez ses parents, rue du 34e R.I.
Le 21 vers 8h, des voitures ornées de fanions tricolores à la croix de Lorraine déposent à la préfecture le « team Jedburgh », le colonel Carnot, Léon des Landes, etc. René Estève est donc l’un des premiers résistants à entrer dans Mont-de-Marsan libérée.
Après les diverses cérémonies, défilés et réceptions marquant la joie de la Libération, on alerte de l’approche de la garnison allemande de Dax, qui cherche à rejoindre celle de Mont-de-Marsan qui l’attend à Cère, à quelques kilomètres. Le « team » Jedburgh décide alors de mener une inspection des défenses de la ville, qu’elle trouve quasi inexistantes. Ils vont alors se porter à la rencontre des Allemands sur la route de Dax, dans la traction avant Citroën de la préfecture, armés de leurs Remington et carabines américaines, avec leurs paquetages et quelques explosifs.
René Estève participe aux premiers « combats du Pont de Bats » (où le capitaine Mellows est tué). Il se replie ensuite par la gare et rejoint le domicile familial. Le « team » gagne ensuite Nogaro.
Le 22, Allen et Estève regagnent Toulouse via Auch, et rentrent avec Hilaire, Parisot et le Bataillon de l’Armagnac dans la ville libérée, sous les acclamations. Le radio Gruen les y rejoint le 24.
Ils sont ensuite envoyés en mission vers le Languedoc-Roussillon (Narbonne, Montpellier, Perpignan… « Il fallait montrer la présence Alliée »).
Le 5 septembre, il atterrit à Nevers afin de convoyer un lot d’armes et de matériel médical jusqu’à Autun, où des F.F.I. sont aux prises avec des Allemands en retraite.
Le 25 il est au Q.G. des Forces Spéciales à Avignon, rejoint Paris par la route le 27, et enfin Londres le 30.
Fin de mission le 4 octobre.
L’épopée Jedburgh devait se poursuivre en Extrême-Orient. Il est promu lieutenant de réserve d’artillerie en mai 1945, et part en août en mission en Indochine (au sein de la « Force 136 », il appartient à la D.G.E.R., Direction Générale des Études et Recherches, le service de renseignement français après la Libération, sous la direction d’André Dewavrin). Embarqués à Glasgow avec escales à Port Saïd, Bombay et Colombo, les Jeds français se retrouvèrent dans un camp secret de Ceylan (Sri Lanka) pour y apprendre à combattre un nouvel ennemi, le soldat japonais, et à survivre en jungle.
Mais il contracte le choléra. Il survit et, après une convalescence à Darjeeling, est chargé de l’entrainement à la guérilla. Il est parachuté au Laos (Khamkeuth), passant quatre mois derrière les lignes japonaises et assure entre autres la construction d’une piste d’atterrissage. Obtient la Croix de Guerre T.O.E. avec étoile d’argent et une citation à l’Ordre de la Division, signée du général Leclerc.
Rapatrié en métropole, il quitte l’armée en mars 1946 avec le grade de capitaine. Il est fait chevalier (puis officier) de la Légion d’Honneur, Croix de Guerre avec palme.
Il épouse en 1947 Micheline Soudré (deux enfants), fille de la propriétaire des Magasins Réunis (devenus ensuite Parunis, aujourd’hui Printemps ou FNAC), où il entame une nouvelle carrière (il en deviendra président-directeur général).
Promu capitaine de réserve en 1953, chef d’escadron en 1963.
Décédé le 9 septembre 1993 à Ajaccio (Corse du Sud), où il s’était retiré.