La persécution des Juifs

Dès l’arrivée au pouvoir des Nazis en 1933, les Juifs sont la cible privilégiée des persécutions. Stigmatisés, exclus, enfermés, puis déportés et assassinés, 6 millions d’entre eux périssent au cours de la Seconde Guerre mondiale.

Dès l’installation de sa dictature, Hitler ne tarde pas à s’occuper de ce qu’il désigne comme étant « le problème juif ». Ce ne sont pas les Nazis qui ont inventé l’antisémitisme. Si cette idéologie est présente depuis des siècles en Europe, elle connait toutefois un regain d’énergie à la fin du XIXe et au début du XXe siècle, notamment dans l’empire russe où les pogroms se multiplient et en France où le procès du capitaine Dreyfus divise les Français au début du XXe siècle.

L’Allemagne ne fait pas exception à la règle. Dans un pays en proie à la misère et aux divisions depuis la guerre de 14/18 et la crise de 1929, les idées antisémites des Nazis trouvent un écho grandissant dans la société allemande. La désignation du bouc émissaire juif responsable de tous les maux de l’Allemagne, de la défaite militaire, de la réorganisation des frontières, de la pauvreté et du chômage semble convaincre une majorité d’Allemands. Le NSDAP d’Adolf Hitler sort vainqueur des élections législatives de 1933.

En mars 1933, lors de son arrivée au pouvoir, les idées antisémites d’Adolf Hitler ne sont donc une découverte pour personne. Elles imprègnent le programme politique du NSDAP. Toutefois les premières victimes du nazisme ne sont pas juives mais les opposants politiques de gauche qui sont arrêtés et enfermés dans le premier des camps de concentration : Dachau.

La communauté juive ne représente même pas 1 % de la population allemande (527 000 personnes).

Septembre 1933 – septembre 1939 : le temps de la stigmatisation et des expulsions

En 1933, Hitler ne parle pas encore d’extermination physique des Juifs. Son but est de les chasser d’Allemagne. Il veut une Allemagne « Judenrein », c’est-à-dire sans présence juive. Il commence par prendre une série de mesures discriminatoires afin de pousser les Juifs à partir volontairement (destitution de nationalité, interdiction d’exercer les professions de médecin ou d’avocat, rachat des entreprises juives et surtout la mise en place d’un statut des Juifs en 1935 (Les lois de Nuremberg) qui interdit, entre autres, les mariages et relations mixtes.

Estimant ces mesures insuffisamment efficaces, les Nazis prennent des mesures plus radicales et s’en prennent physiquement aux Juifs. La nuit du 9 novembre 1938, les Nazis déclenchent un gigantesque pogrom dans tout le pays. Les synagogues sont incendiées, les vitrines des commerces juifs sont brisées, 30 000 hommes sont arrêtés et déportés dans les camps de concentration sans oublier les viols, les coups et les dizaines de morts lors de ce déchainement de violence instrumentalisé.

A la suite de cette « nuit de Cristal » le nombre de candidats à l’émigration augmente nettement. L’intérêt des Nazis est double, outre le départ forcé des Juifs, ils s’approprient de fait leurs biens (maisons, commerces, entreprises…). Toutefois cette politique d’émigration forcée se heurte à de nombreux obstacles. La plupart des pays du monde ferment leurs frontières à la suite de la crise de 1929 puis au déclenchement de la guerre, le 1er septembre 1939.

Avec l’entrée en guerre, les Nazis vont faire passer l’antisémitisme à un niveau jamais vu jusqu’alors, ni même envisagé, l’élimination pure et simple du judaïsme en Europe dans toutes ses composantes (physiques, culturelles et artistiques).

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Le port de l’étoile jaune

Etape préalable et complémentaire au regroupement des Juifs, dès le 1er décembre 1939, les Nazis obligent les Juifs polonais de plus de 10 ans à porter un brassard blanc avec une étoile de David bleue. En février/mars 1941 les Juifs d’URSS furent eux aussi marqués d’une étoile jaune cousue sur le torse et l’omoplate. Le 1er septembre 1941, c’est au tour des Juifs allemands de porter une étoile jaune sur la poitrine. Ce dernier symbole cela celui retenu pour être imposé aux Juifs d’Europe de l’ouest en 1942 (Hollande, Belgique et France).

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Septembre 1939 – décembre 1941 : Le temps des tueries collectives et des déportations

Le 1er septembre 1939, l’Allemagne envahit, sans déclaration de guerre, la Pologne. Avec la guerre à l’est, les Nazis voient leur « problème juif » prendre une nouvelle dimension. Non seulement ils ne sont pas parvenus à chasser tous les Juifs d’Allemagne mais en plus le Reich voit ses frontières déplacées à l’est, là où les communautés juives sont les plus nombreuses. La Pologne compte 6 fois plus de Juifs que l’Allemagne (3,2 millions). Face à cette situation, les Nazis envisagent dans un premier temps de déporter les Juifs polonais vers Lublin et même vers Madagascar pour créer des réserves juives à l’image des réserves indiennes d’Amérique du nord. Ces premières pistes sont vites abandonnées devant les contraintes logistiques. En temps de guerre, les moyens de transport sont destinés en priorité aux soldats.

L’attaque de la Pologne, n’est pas seulement une déclaration de guerre, elle marque le début d’une campagne de violence systématique envers les Juifs à l’origine du génocide. Au mépris de toutes les conventions de guerre en vigueur, des civils sont directement visés par une armée. Dans les premiers jours de l’invasion de la Pologne 70 000 personnes, hommes, femmes, enfants de tous âges sont tués au seul motif de leur religion.  Ils sont exécutés par les « groupes d’intervention » les Einsatzgruppen qui accompagnent l’avancée de la Wehrmacht. Parallèlement les premiers centres de regroupement de Juifs se mettent en place dans la plupart des villes polonaises, les ghettos ; les populations juives sont isolées du reste de la ville et sont forcées de se regrouper dans un quartier surpeuplé où 6 personnes peuvent partager la même pièce. 

Deux ans plus tard, Hitler reproduit le même mode opératoire lors de l’invasion de l’URSS, une attaque brutale suivie des Einsatzgruppen. La conquête de l’URSS offre de nouvelles perspectives à Hitler qui envisage la déportation des Juifs dans les territoires de l’est et du nord sibérien. Le but de cette déportation reste l’élimination de ces personnes. Entasser des individus dans les endroits les plus inhospitaliers pour les tuer à la tâche ou par la famine.

Une nouvelle fois, les plans nazis se voient contrariés par l’enlisement de la guerre sur le front russe et l’entrée en guerre des Etats-Unis. Le plan de déportation des Juifs se fera sur le territoire polonais. A la fin 1941 le génocide change d’aspect en prenant un caractère industriel.

De la rupture de l’année 1941 à 1945

Les Einsatzgruppen qui entrent en URSS, le 21 juin 1941, reconduisent le mode opératoire utilisé deux ans plus tôt en Pologne. Ces petites unités formées essentiellement de policiers, aidées d’auxiliaires locaux (ukrainiens, biélorusses…), et bénéficiant de l’assistance de Waffen-SS ou de la Wehrmacht, exécutent systématiquement tous les Juifs qui se trouvent sur leur route lors de pogroms ou de véritables exécutions collectives (comme à Babi Yar en Ukraine). On estime le nombre de victimes à au moins un million en 6 mois, soit une moyenne de plus de 5000 morts par jours.

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En dépit de ces chiffres effrayants, les Nazis cherchent sans cesse le moyen d’accroitre le rythme de leur entreprise mortelle. Les tueries de masse par balle leur posent vite des problèmes. D’une part, le nombre des exécutions n’est jamais assez rapide selon leurs prévisions et d’autre part elles sont couteuses en munitions (d’où le nom donné par le père Desbois, « la Shoah par balles »). Les Nazis ne cessent de chercher de nouvelles solutions toujours plus meurtrières, plus rentables mais également moins éprouvantes pour les bourreaux. Car même les Nazis les plus convaincus ont du mal à remplir cette mission. Le commandant de la SS Heinrich Himmler ne supporte pas le spectacle de la seule exécution dont il est spectateur en Ukraine.

A la fin 1941, les Nazis tentent dans un premier temps d’étendre l’expérimentation T4 [1]Aktion T4 désigne la campagne d’extermination par assassinat des adultes handicapés, physiques et mentaux, allemands et autrichiens, menée par le régime nazi de 1939 à août 1941, qui a … Lire la suite dans un tout nouveau camp, construit pour l’occasion à Chelmno. 1 000 personnes y sont tuées par jour dans 3 camions transformés en chambres à gaz. Cependant l’opération est abandonnée. Les Nazis jugent cette expérience trop couteuse en carburant et trop lente.

Les Nazis expérimentent une autre méthode en utilisant un pesticide sur l’homme, le Zyklon B. Une première expérience est menée sur des détenus dans le camp d’Auschwitz. Les résultats sont à la hauteur des atroces attentes nazies et ils décident aussitôt de généraliser ce processus d’extermination. La mort n’est pas la seule préoccupation des Nazis. Faire disparaitre les traces de leur crime l’est tout autant. Ils installent des fours crématoires à côtés de ces lieux de gazage. Lieux à l’abri des regards et à proximité de centres ferroviaires importants. Des éléments qui font d’Auschwitz un lieu idéal pour implanter le plus grand des 6 centres de mise à morts nazis (avec Chelmno, Belzec, Treblinka, Sobibor et Maïdanek.

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Note : on préfèrera l’expression « centres de mise à mort » plutôt que « camps d’extermination »

Dans le même temps Hitler ordonne la déportation des Juifs allemands puis ceux vivant dans les pays de l’ouest occupés.

Convaincus par l’utilisation de ce gaz mortel, les Nazis décident de l’utiliser à une grande échelle pour éliminer les 11 millions de Juifs européens. Pour parvenir à ce funeste résultat, ils ont besoin du concours de l’ensemble des ministères allemands dans l’organisation de ce qu’ils nomment « la solution finale de la question juive en Europe ». Cette conférence organisée sur les bords du lac de Wansee en fin d’année est reportée pour cause de l’entrée en guerre des Etats-Unis. Elle se tient donc le 20 janvier 1942 sous la direction de Reinhard Heydrich et dévoile aux participants le processus d’extermination.

Durant l’été 1942, les responsables de la « Solution finale » perfectionnent leur entreprise meurtrière. Tout commence désormais par une procédure de « sélection » à l’arrivée du train qui s’immobilise à hauteur d’une rampe de déchargement (judenrampe). Quelques SS, dont un médecin, organisent deux rangées de déportés. La 1ère, qui représente en moyenne 80 % d’un convoi, est conduite immédiatement à la chambre à gaz, alors que la 2nde pénètre dans le camp, ce qui accorde un léger sursis. La mort est aussi au bout du chemin mais seulement après un long calvaire de travail, de corvées et de sévices. Ces « sélectionnés », après avoir été tatoués, sont acheminés vers des camps de travail ou de concentration. Compte-tenu des rations prévues, l’espérance de survie est d’environ 3 mois.

Dès lors, les Nazis procèdent à l’évacuation des ghettos et des camps de transit. Des quatre coins de l’Europe des trains conduisent des centaines de milliers d’hommes, de femmes et d’enfants vers les camps de concentration et les centres de mise à mort pour y être exterminés plus ou moins rapidement. Les déportations ne cesseront qu’à la capitulation du régime nazi. Jusqu’aux derniers jours de leur règne, les Nazis jetteront des milliers de personnes sur les routes pour fuir l’avancée des armées alliées convergeant vers le centre de l’Allemagne. Pour tenter de cacher les preuves de leurs crimes les Allemands fuient en entrainant avec eux les derniers témoins des camps de concentration dans des « marches de la mort » responsables de milliers de victimes.

Au total, ce sont 6 millions de Juifs qui périssent pendant la Seconde Guerre mondiale, faisant de la « Shoah » le plus grand génocide de l’Histoire de l’humanité.

Autres sources

Autres sources
1 Aktion T4 désigne la campagne d’extermination par assassinat des adultes handicapés, physiques et mentaux, allemands et autrichiens, menée par le régime nazi de 1939 à août 1941, qui a fait de 70 000 à 80 000 victimes.