Il y a 80 ans : l’attaque du maquis de Téthieu le 11 juin 1944

Publié le Évènements

Au tout début de l’année 1943, une cache d’armes et d’explosifs cimentée est installée à la ferme Libé à St-Vincent-de-Paul, chez Georges et Simone DEGOS et leur pensionnaire Michel RENAUD, dans un coin de champ, et elle reçoit son premier chargement, issu d’un parachutage à Rion.

Dès avril 1943, les sabotages des voies de communication se multiplient.

A l’annonce du débarquement du 6 juin 1944, un grand nombre de jeunes gens de la région de Dax décident de rejoindre le maquis en formation dans les bois qui, sur une superficie de 250 hectares, s’étendent de Candresse à Téthieu, sur les deux rives de l’Adour. Les chefs de ce maquis sont Léon des LANDES et Edouard CALLIAN. Il regroupe entre 50 et 100 maquisards (groupes de Dax, St-Paul-lès-Dax, St-Pandelon, Saugnac-et-Cambran et Sort), autour de l’ancienne ferme du « Coût dou Tour » (Coslous ?). Le dépôt d’armes et de munitions de Libé est alors transporté au cœur de la forêt. On y trouve 4 tonnes de matériel anglo-américain : des fusils et  fusils-mitrailleurs, des carabines, revolvers, pistolets, mitraillettes, des grenades, du plastic avec détonateurs et cordon, un bazooka anti-char, de quoi équiper 150 maquisards.

Mais le matin du 10 juin, un « Junker 52 » allemand équipé d’un détecteur électromagnétique survole le bois à basse altitude, le dépôt d’armes est repéré. Il semble qu’il y ait eu dénonciation…

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Premier accrochage (ellipse bleue), ferme de Libé (ellipse rouge) et emplacement approximatif du maquis de Téthieu

En ce dimanche pluvieux du 11 juin 1944 vers minuit à Candresse, sur la route de Montfort, à hauteur de la ferme Lansuzan (à la limite d’Yzosse), un accrochage se produit entre une patrouille de feldgendarmes et un groupe de résistants (groupe de St-Pandelon) revenant d’un sabotage et se dirigeant vers le maquis de Téthieu (DUMAS dit « Misse », DARNICHE, CASTETS, DUCAMP, LASSERRE, CANLORBE, LACOSTE et BERILHE). Deux feldgendarmes sont tués, un troisième blessé par l’éclatement d’une grenade. L’alerte est donnée, des troupes allemandes arrivent (une vingtaine d’hommes au total). Deux résistants sont faits prisonniers (Jean CAPDEBOSCQ et Jacques dit « Jacky » DUMAS, le jeune frère de « Misse »). « Misse » DUMAS est blessé d’une balle qui lui traverse la mâchoire, ressortant à quelques millimètres de l’oreille… Il se réfugie dans une ferme voisine et échappe à l’arrestation, caché entre le sommier et le matelas d’un lit. Il rejoint Goos où il est soigné par le docteur Carrère.

Un (vieux) fusil ayant été découvert dans la ferme Lansuzan, elle est incendiée. Le bois de Candresse est investi, les maisons fouillées. Vers 10 heures, les 60/65 hommes de la commune sont regroupés sur la place publique et dirigés sur Dax et détenus à la H.K.P. (Heereskraftfahrpark, parc automobile), à l’ancienne gare du tramway départemental Dax-Amou (à St-Pierre), où ils arrivent vers midi.

Vers 9 heures du matin, l’alerte est donnée au camp principal de Téthieu, une patrouille de 12 soldats allemands approche, et un avion de reconnaissance « Fieseler Storch » survole le bois. Bientôt une importante force allemande (Léon des LANDES parle de 700 ou 800 hommes, avec des auto-chenilles, canons, fusils-mitrailleurs, mitrailleuses…) investit les bois. Les Allemands ont installé des mortiers sur la rive gauche de l’Adour et patrouillent avec des chiens afin de couper toute retraite.

Le combat s’engage, inégal, les maquisards sont jeunes et inexpérimentés pour la plupart.

Léon des LANDES ordonne donc le repli général, protégé par CALLIAN et DOUSSY au fusil mitrailleur.

Vers 10 heures, il décide de faire sauter le dépôt de munitions (bidon de plastic avec mèche lente de 2 mètres) afin de couvrir la retraite en direction de l’Adour (prévue vers le bac de Hinx). L’explosion est entendue jusqu’à Orthez.

Profitant de la confusion, la plupart des maquisards parviennent à s’enfuir, mais trois résistants sont malheureusement tués : Eugène MOREAU (« relançant sur les Boches les grenades qu’ils lui envoyaient »), Gaston DALEAU (« abattu, à bout de munitions ») et Léon Max LABAT (né le 8 avril 1908 à Dax, tailleur de pierres rue des Jardins alias rue de la Croix Blanche, marié sans enfant). Deux autres sont faits prisonniers à la sortie du bois (Charles BOUZATS et André ANNE).

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Stèle de Téthieu

Camille DESPUJOLS, diminué physiquement, est porté sur plusieurs centaines de mètres par Robert SOLIGNÉ à travers les lignes allemandes. Le jeune Jacques NASSIET alias « Saucisson », 16 ans, godille la  barque qui permet à Léon des LANDES de traverser l’Adour et d’échapper aux Allemands.

Les Allemands ont 42 morts (d’après Léon des LANDES).

A la ferme de Libé, ils arrêtent la mère et la tante de Georges DEGOS, un des chefs du maquis (elles sont incarcérées à Dax le matin du 12).

Celui-ci fuit avec Léon des Landes dans un premier temps à Poyartin, puis dans les Pyrénées-Atlantiques (à Sallespisse, puis Biron pour Léon des Landes). Une partie des maquisards parvient à se cacher sur les rives de l’Adour et à rejoindre Dax.

Dans l’après-midi, ce sont 24 hommes et une femme arrêtés par les Allemands qui sont incarcérés à la maison d’arrêt de Dax.

Vers 17 heures, les 60 hommes de Candresse sont transférés à l’hôtel de l’Avenue avenue Georges Clémenceau (Feldgendarmerie d’armée) et sont libérés.

Vers 18h30, dans une macabre mise en scène, une voiture amphibie allemande Volkswagen, sur laquelle sont arrimés les corps des trois victimes du Bois de Téthieu, les trainant sur l’asphalte, traverse tout Dax pour se rendre à la morgue de l’Hôpital, précédée d’un side-car.

Dans l’après-midi du 12, les quatre résistants arrêtés à Candresse et Téthieu comparaissent devant un conseil de guerre siégeant au Collège de Jeunes filles. Ils ont refusé de donner le nom de leur chef et sont condamnés à mort.

Le lendemain à l’aube, ils sont fusillés au bord de l’Adour, au pied de la digue, dans le Bois de Boulogne, à proximité de la métairie du Grand Bourlon. Ils meurent en chantant la Marseillaise.

Dans cette affaire, la police des troupes d’occupation est secondée par la gendarmerie et des inspecteurs de la S.A.P. venus de Bordeaux (l’officier allemand responsable de leur exécution sera acquitté par le Tribunal Militaire de Toulouse, car les maquisards n’étaient pas munis de brassards F.F.I. et pouvaient donc être considérés comme des Francs Tireurs…).

Les Allemands se présentent au petit matin du 13 à la mairie avec les corps ensanglantés des fusillés, exigeant qu’ils soient immédiatement enterrés dans une fosse commune, sans cérémonie, car « il n’y a pas de messe pour des terroristes »… Détail terrible, le maire doit chasser à coups de pierres les chiens qui lapent le sang qui s’écoule du fourgon…

Les 7 victimes sont inhumées au cimetière St-Pierre. Les Allemands ont interdit la présence des familles, mais M. DALS, père adoptif du jeune André ANNE, saute le mur du cimetière et peut, déguisé en ouvrier, assister aux obsèques. Un relâchement dans la surveillance allemande permet d’ouvrir les cercueils et de délier les mains des fusillés, de les placer en croix sur leurs poitrines, et de retirer leurs alliances. Un prêtre du Collège St-Pierre est appelé pour bénir les corps. Dans l’après-midi, 7 croix portant les noms des victimes sont placées sur la fosse, ainsi qu’un petit bouquet.

Le 14, une foule nombreuse se presse autour des tombes, et les autorités allemandes protestent.

Un projet de double monument (à Téthieu et au Bois de Boulogne) est rapidement à l’étude, et le 24 juin 1945 une stèle est inaugurée au Bois de Boulogne.

Le 4 septembre 2021 , à l’initiative de l’A.N.A.C.R., un mémorial des résistants landais a été inauguré à Téthieu.

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Le mémorial de Téthieu

Documents :


Sources :

Archives du C.P.R.D. :

  • Récit de Robert Soligné : « Historique du maquis de Libé/Téthieu (1942-1944) ».
  • Rapports de Léon des Landes
  • Rapport du secrétaire général de la mairie de Dax
  • Rapport du chef du service municipal de l’Occupation