Le 22 juin 1940, la France vaincue en quelques semaines signe l’armistice, et le Gouvernement du maréchal Pétain se lance dans une collaboration zélée où les autorités du régime de Vichy s’efforcent de satisfaire, voire de devancer les demandes de l’occupant nazi, espérant obtenir un traitement privilégié dans l’Europe nazie. « Collaboration du cheval et du cavalier », selon Goebbels, les Nazis n’ont jamais pris au sérieux les demandes de l’État français, qu’ils n’utilisaient que pour asservir un peu plus profondément le pays et mener à bien, en particulier l’arrestation et la déportation des Juifs.
La politique collaborationniste du régime de Vichy s’inscrit plus largement dans une idéologie clairement réactionnaire, marquée par le souci de revanche sur le Front populaire et valorisant les valeurs traditionnelles et paternalistes. La nouvelle devise choisie pour l’État français, » Travail, Famille, Patrie « , en est une des illustrations les plus connues. Cette idéologie est portée par toute une nébuleuse de groupes politiques issus des mouvements d’extrême droite de l’entre-deux-guerres ou de diverses mouvances réactionnaires.
Le 24 octobre 1940 la collaboration de la France avec l’Allemagne nazie est scellée à Montoire par la rencontre entre le maréchal Pétain et Adolf Hitler.
Collaboration économique
L’Allemagne nazie imposa au gouvernement de Vichy la mise en place du S. T. O. (Service du Travail Obligatoire), pour essayer de compenser le manque de main-d’œuvre dû à l’envoi d’un grand nombre de soldats allemands sur le front de l’Est, où la situation ne cessait de se dégrader, mais les travailleurs français sont les seuls d’Europe à avoir été requis par les lois de leur propre État (février 1943) et non par une ordonnance allemande.
L’exploitation de la main-d’œuvre française par le IIIe Reich a concerné des travailleurs obligatoires (les requis du S. T. O.), des travailleurs volontaires attirés par la rémunération ou « prélevés » dans les entreprises dans le cadre de la Relève ainsi que les prisonniers de guerre. Un total de 600 000 à 650 000 travailleurs français fut acheminé vers l’Allemagne entre juin 1942 et juillet 1944 auquel s’ajoutait la partie des soldats prisonniers retenus de force dans le pays, dont le nombre initial s’élevait à 1 850 000 hommes. Les travaux de recherche citent le chiffre de 1 500 000 Français — prisonniers, réquisitionnés du S. T. O., volontaires — qui auraient travaillé en Allemagne entre 1942 et 1945. La France fut le troisième fournisseur de main-d’œuvre forcée du Reich après l’Union des républiques socialistes soviétiques (URSS) et la Pologne et fut le pays qui lui donna le plus d’ouvriers qualifiés.
Collaboration administrative et policière
Mais au-delà de la coopération économique ou militaire, c’est toute l’administration française qui se met au service de l’occupant. Ces pages reviennent à de nombreuses reprises sur le rôle des préfectures des Landes et de la Gironde dans la persécution et la déportation des Juifs et opposants politiques, sans oublier celui joué par l’administration pénitentiaire, par exemple.
Le pouvoir vichyste offre donc également sa participation à la sinistre entreprise de déportation et d’extermination des populations juives vivant sur son territoire (français comme étrangers), d’abord en multipliant les mesures stigmatisantes et discriminatoires qui en font des citoyens de seconde zone. Ainsi l’obligation de recensement des Juifs ou les rédactions des différents statuts des Juifs en 1940 et 1941. En octobre 1940, les Juifs étrangers sont internés dans l’un des 50 camps ouverts pour contenir l’arrivée des réfugiés espagnols en 1939, et le décret Crémieux qui avait accordé la citoyenneté française aux Juifs d’Algérie est supprimé. Les Juifs sont interdits d’exercer dans la fonction publique, dans la politique ou les médias, on ferme leurs comptes bancaires, ils doivent faire apposer un tampon « JUIF » sur leurs papiers, sans oublier les débuts de « l’aryanisation » des biens juifs ou bien la création du « Commissariat Général aux Questions Juives ».
Enfin, dès 1941, on organise et exécute (à partir des listes de recensement) les arrestations, la détention et les déportations pour le compte de l’Allemagne nazie.
Le 27 mars 1942, le premier convoi de déportation des Juifs de France quitte les camps de Drancy et de Compiègne en direction d’Auschwitz. Au départ, les seuls Juifs étrangers sont victimes de ces déportations avant d’être rejoints par les Juifs français.
Le 2 juillet 1942, les accords Bousquet-Oberg (en présence d’Heydrich, adjoint de Himmler) formalisent la collaboration des polices françaises et allemandes,.
Au mois de juillet, la police française est donc mise à la disposition de l’occupant pour l’arrestation des Juifs lors de la Rafle du Vél’ d’hiv’. La moitié seulement des effectifs prévus (13 000 personnes) sont arrêtés et conduits au Vél’ d’hiv avant d’être envoyés dans des camps de transit. Ceux qui ont réussi à échapper au coup de filet tentent de partir vers la zone sud pensant être protégés par Vichy. La France livre également les Juifs présents dans les camps (comme Mérignac).
La fascisation du régime de Vichy
Dans la seconde partie de la guerre, le régime de Vichy se radicalise, et ce sont les ultras de la Collaboration qui sont au pouvoir :
La Milice française est créée par le régime de Vichy le 20 janvier 1943. Constituée d’environ 30 000 membres (dont 15 000 actifs), cette organisation paramilitaire a pour mission principale de lutter contre les mouvements « terroristes » de la Résistance. En réalité, la milice constitue rapidement la police politique de Vichy et en vient à jouer un rôle supplétif auprès de la Gestapo et des autres forces nazies présentes sur le territoire.
Ouvertement fasciste, anticommuniste, antisémite et antirépublicaine, la milice est officiellement placée sous le commandement du Premier ministre Pierre Laval. Dans les faits, elle est dirigée par son secrétaire général Joseph Darnand, fondateur du Service d’ordre légionnaire (SOL, 1940-1943) qui en est l’ancêtre.
Sur ordre des Allemands ou encore de leur propre initiative, les miliciens participent à la traque des Juifs, des résistants, des maquisards, des réfractaires au service du travail obligatoire (STO) ou de tous ceux que le régime juge dangereux. Dans tout le pays, les miliciens effectuent de véritables rafles, multipliant les actes de torture, les exécutions sommaires, les répressions sanglantes, mais aussi les exactions « de droit commun » (vols, viols, etc.) contre les populations civiles. De telles « opérations » deviennent relativement fréquentes au cours de l’année 1943, ancrant ainsi dans les consciences et les représentations le symbole durable du bras armé de la « collaboration française » sous son jour le plus sombre, le plus violent et le plus extrémiste.
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