Etrangers et Résistants dans les Landes

Publié le Évènements Mises à jour

Ils furent nombreux ceux qui, étrangers et installés en France, ou naturalisés de fraîche date, s’engagèrent corps et âme pour libérer leur nouvelle patrie de l’occupation allemande et venir en aide à ceux que les occupants persécutaient.

Il s’agissait surtout de « guérilleros », anciens Républicains (« Rouges »), mais aussi d’Italiens ayant fui le régime fasciste de Mussolini, de Polonais, d’Allemands, sans oublier les Anglais George R. Starr (colonel), Roger Landes (major), ou bien encore Tony Mellows (major), tous rattachés au S. O. E. .

Avec la victoire de Franco en Espagne, assurée par le soutien militaire d’Hitler et Mussolini, les Espagnols Républicains traversent massivement les Pyrénées en 1939 : c’est la « Retirada ».

Leurs convictions républicaines et les souvenirs des combats aux côtés de Brigades Internationales les poussent tout naturellement à entrer dans la Résistance.

AInsi Agustin MENENDEZ-FERNANDEZ est vraisemblablement arrêté en tant que communiste (et résistant ?) en septembre/octobre 1942 et déporté à Sachsenhausen, dont il ne reviendra pas.

Leur expérience de la guerre civile d’Espagne, avec des combats menés face à un ennemi mieux équipé, et leur instruction militaire avancée les rendent vite indispensables à la bonne marche des maquis.

Ils seront ainsi très souvent placés à des postes à responsabilités, se chargeant de la formation des Résistants et participant très activement aux opérations armées…

Aniceto dit Miguel MALLÉ-JAUREGUY est né en 1911 à Buenos Aires en Argentine. Diplômé de l’Académie militaire de Saragosse (Espagne), il rejoint le camp républicain et participe, pendant la Guerre civile, aux combats des Pyrénées, de Belchite, et du Front de l’Ebre. Passé en France à la « Retirada », il est interné dans les camps de Septfonds et Gurs. Il travaille ensuite dans une usine à Bayonne et anime un réseau de Résistance dans les Pyrénées-Atlantiques et les Landes (chef militaire), assurant des passages de la ligne de démarcation, des sabotages, etc. Il est arrêté le  4 mai 1943 à Tarnos par la sinistre brigade Poinsot, interné au Fort du Hâ à Bordeaux, puis transféré à Romainville comme otage, et enfin déporté « Nacht und Nebel » le 6 septembre 1943 au camp de Neue Bremm jusqu’au 16, puis à Mauthausen. Il y prend la tête de l’organisation militaire internationale secrète.  Il est libéré par les Américains le 5 mai 1945 et combat les derniers Allemands au pont sur le Danube et à la gare de Mauthausen. Il est rapatrié le 18 mai 1945. Le 15 septembre, il se marie à Tarnos. Il est décédé en 1992 à Limoux (11).

malle jaureguy
Miguel Malle Jaureguy

Raflés le 21 avril 1944

De nombreux clandestins étrangers, réfractaires, évadés, Résistants, etc., sont tombés entre les mailles du filet que les Allemands ont lancé sur la région de Bazas-Gabarret-Roquefort le 21 avril 1944. La plupart ont été déportés au camp de concentration de Neuengamme par le convoi du 21 mai 1944 parti de Compiègne (2004 hommes) :

bb58b4db 7b9f 4a0d b153 90b06e1b9ca4
Travail forcé au camp de Neuengamme

Des Espagnols (surtout Catalans)

Ramon DUCH CARRERAS, 54 ans, arrêté à Gabarret, décédé le 19 décembre 1944 à Neuengamme.

Justin GARCIA SANZ, 27 ans, membre des F.F.I., arrêté à Lugaut-Retjons (Les Traverses), a survécu.

Fulgencio HERNANDEZ CABELLO, 48 ans, ouvrier-métallurgiste, secrétaire des Services Sociaux de la U.G.T. de Catalogne (Union General de Trabajadores, confédération syndicale proche du Parti Socialiste), arrêté à Roquefort, déporté un mois plus tard à Neuengamme, au kommando de Fallersleben-Laagberg, puis de Wöbbelin. Rapatrié le 2 mai 1945.

Isidoro PUJOL, 33 ans, membre des F.F.I., arrêté à Gabarret, interné à Compiègne, déporté 1 mois plus tard à Neuengamme, transféré au kommando de Wöbbelin, où il est décédé le 21 avril 1945.

Salvador SAEZ, 27 ans, machiniste, arrêté à Saint-Justin.             

Armand SARRIEU ESPAÑA, 22 ans, arrêté à Gabarret, décédé le 25 février 1945 à Neuengamme.

Enrique/Henri ZUDAIRE MENEZO alias « Riquet », 32 ans, né au Pays Basque espagnol, imprimeur, communiste, footballeur (il est le deuxième gardien du Real Madrid jusqu’à ses 25 ans), devient lieutenant-colonel de l’armée républicaine espagnole. Lors de la Retirada en 1939, il entre en France par le Perthus et Prats-de-Mollo et est interné à Agde, au Fort de Collioure, puis à Gurs. Le maire de Coarraze l’en fait sortir pour travailler. Enrique, devenu Henri, épouse une béarnaise en 1942,  et travaille comme bûcheron dans le Béarn, puis dans les Landes.

Il travaille dans les forêts des Landes autour de Saint-Justin, pour le compte de l’usine de meubles de Coarraze. Il effectuera toute sa carrière dans cette entreprise. Il part toute la semaine pour son travail, et revient en fin de semaine. Un samedi, Maman attend son retour, en vain. Une cousine lui apprend qu’il y a eu une rafle et que son mari a été amené à Bordeaux. Papa avait mis cette cousine au courant de ses activités dans la Résistance. En effet, la nuit, il réceptionne des armes parachutées par les Anglais, le jour, il forme ses camarades au maniement des armes. Ensemble, elles se rendent à la prison. Là, elles rencontrent un officier SS et apprennent qu’Enrique vient de partir pour Compiègne.

Déporté à Neuengamme un mois après avoir été raflé, puis transféré à Watenstedt, il est à la fin de la guerre évacué à Ravensbrück puis Wöbbelin.

Dans les camps où il passe, on le surnomme ‘l’homme à la cravate’. Il porte toujours autour du cou un bout de ficelle, ersatz de cravate, symbole de sa dignité d’homme, dit-il… Il est libéré par les Russes, le 7 mai 1945. Une des rares fois où il nous en a parlé, il nous a raconté être sorti d’un baraquement et s’être vu entouré d’une nuée d’hommes à cheval, des cosaques. Le bruit des sabots avait été étouffé par la neige.

Il est décédé en 1969. Contactées par les archives allemandes de Bad Arolsen, ses filles ont pu récupérer un stylo et une montre qui lui avaient été confisqués à son arrivée au Neuengamme.

zudaire
Autoportrait d’Enrique Zudaire

Un Italien

Antonio ROSSOLIN/ROSOLEN/ROSLAIN, 25 ans, manœuvre, appartenait à une unité des F.F.C., arrêté à Saint-Justin, décédé le 24 avril 1944 ?, dit « disparu postérieurement à son arrestation ».

Un Polonais

Joseph STRYZYK, 21 ans, polonais, résistant (aide au groupe de résistance « Buckmaster Hilaire »), arrêté à Gabarret, décédé le 14 février 1945 au kommando de Watenstedt.

jorf 31 juillet 1949 stryszyk
Journal Officiel du 31 juillet 1949
13 1822 4
Libération du camp de Wöbbelin par les Américains

Le Groupe « Marta »

Le maquis de la Torgue, entre Marmande et Agen, est créé en juillet 1943 : d’un petit groupe clandestin, ce maquis va se développer jusqu’à devenir la 24e Division de guérilleros (mai 1944).

Sous l’impulsion du commandant Matéo Blazquez (dit « Marta ») (biographie plus bas), mais toujours sous commandement « français », ce mouvement va mener de nombreuses actions contre l’occupant à la frontière des départements du Lot-et-Garonne et des Landes…

Jaime Olivès (alias Cañada, lui aussi espagnol), rejoint rapidement ce petit groupe, renforcé d’une quarantaine de jeunes combattants quelques semaines plus tard. Il prend alors le nom de « Bataillon Arthur », nom de guerre d’André Delacourtie, jeune ouvrier des usines d’aviation à Toulouse, commandant F.F.I., assassiné le 9 octobre 1943 à l’intérieur de l’église Saint-Hilaire d’Agen par des hommes de la 8e Brigade Spéciale de Vichy.

Durant six mois, tous ces maquisards mènent un combat clandestin aidant aux travaux des champs dans les fermes avoisinantes, distribuant de la propagande, collant des affiches, plastiquant des voies ferrées, récupérant des armes lors de parachutages.

Ils se distinguent également dans la tentative de libération de leurs camarades emprisonnés à Eysses.

En juillet 1944, il est décidé de former le détachement « X », uniquement composé de Républicains espagnols, constitué de quatre unités liées au bataillon FTPF « Arthur ». « Marta » est chargé d’organiser ces unités, tout en restant un combattant. On y compte une trentaine d’Espagnols.

Le maquis reçoit des armes parachutées par les Alliés. Leur centre de gravité se trouve alors dans les forêts d’Allons/Houeillès.

Le bataillon étend son activité vers les Landes, avec le groupe Barbas (le commandant Eduardo Casado Sancho alias « El Barbas », 27 ans, dirige la 3e brigade de la 24e division de guérilleros espagnols F.F.I. (Forces Françaises de l’Intérieur) – U.N.E. (Union Nacional Española, issue du Parti Communiste Espagnol, composée de 170 guérilleros), souvent avec grand succès et efficacité, dans le triangle Sore, Pissos, Lencouacq, en sabotant les voies ferrées ou en faisant dérailler des trains de marchandises ou de matériel allemand, comme ce fut le cas, à au moins deux occasions, entre Labouheyre et Lamothe, ou entre Dax et Morcenx. Eduardo CASADO SANCHO alias « Barbas » est interné comme communiste au camp du Vernet d’avril à septembre 1942. Evadé, il est repris en février 1943 par la gendarmerie de St-Justin lors d’un franchissement de la ligne de démarcation. Interné à Gurs, il s’en évade en mai, rejoint Gabarret, puis le maquis d’Allons/Houeillès et le groupe « Marta ».

Mateo BLAZQUEZ RODRIGUEZ alias « Marta » est né en 1919 à Madrid, il s’engage dans l’armée Républicaine à l’âge de 17 ans. Il arrive en France en 1939 par Port-Bou et va connaître les camps de St-Cyprien, Argelès, Le Barcarès (66) puis Septfonds (82). Versé dans une unité de Prestataires Militaires Étrangers (P.M.E.), affecté à la poudrerie de Sainte-Livrade en Lot-et-Garonne, puis en Mayenne, il est victime en mai 1940 d’un grave accident du travail. Hospitalisé, il s’évade. Retrouvé et arrêté par la police de Vichy, il est affecté dans une exploitation forestière des Landes. Il revient à Agen où il est arrêté et envoyé d’office en Allemagne en 1942. Il préfère se mutiler les mains pour ne pas avoir à participer à l’effort de guerre allemand. Lors d’une permission sanitaire en avril 1943, il passe dans la clandestinité à Castelmoron (Lot-et-Garonne).

Sous le nom de guerre de « Marta », il est l’un des fondateurs du maquis de la Torgue.  Il participe à de nombreuses actions armées en Lot-et-Garonne et alentours, puis prend la direction du « Détachement X » du bataillon Arthur formé uniquement d’Espagnols. En décembre 1943, il participe au transport et à la livraison d’armes destinées aux prisonniers de la Centrale d’Eysses, près de Villeneuve-sur-Lot.

Le 20 juillet 1944, lors d’un violent engagement contre des éléments de la 11e Division de Grenadiers Blindés (Panzerdivision) allemands à Arx dans les Landes, il réussit à mettre hors de combat un blindé allemand. Début août 1944, il est nommé commandant en chef de la 24e Division des Guérilleros.

Homologué capitaine FFI, « Marta » retrouve la vie civile après la Libération, devient ouvrier maçon en mars 1945, et, jusqu’aux années 50, accomplira plusieurs missions clandestines en Espagne. Il milita longtemps aussi à la section espagnole du Comité Central du Parti Communiste Français. Chevalier de la Légion d’Honneur, la Médaille de la Ville de Bordeaux lui a été attribuée le 21 novembre 2008. Mateo Blazquez est décédé en 2011 et a été incinéré au Mont-Valérien. Une plaque commémorative a été inaugurée le 21 juillet 2012 à Arx.

Tombés lors du combat d’Arx (20 et 21 juillet 1944)

Le 15 juillet 1944, les Allemands ont subi une défaite face à la Résistance à Gueyze (Sos, Lot-et-Garonne), et se replient sur Mont-de-Marsan. Une opération de représailles est entamée le 20. Depuis Mont-de-Marsan, à Boussès, 2 groupes se divisent pour encercler la vallée de la Gueyze.

La colonne allemande qui se dirige vers Arx est composée de 300 hommes environ et 17 véhicules. Un peu au nord d’Arx (à Cantelauze) vers 14h, ils sont attaqués par le Groupe « Arthur » de « Marta », appuyés par la 2e compagnie du Bataillon de l’Armagnac.

Les Allemands brûlent un château, des fermes et des maisons, pillent une épicerie, prennent des otages, et tuent Gabriel Duloubé et Antoine Fourteau.

Ils prennent ensuite la route de Sos. Mais ils sont bloqués à hauteur du pont sur la Gueyze, à « Saucat » (pont qui saute à leur passage grâce à Darribeau, du Bataillon Néracais). Les Allemands se replient alors vers Arx, toujours sous le feu du Groupe Marta. De nouvelles maisons sont incendiées.

A 1500 mètres du village, un pin abattu bloque leur route, une grenade anti-char « Gramont » lancée par « Marta », caché dans les fougères, détruit une chenillette allemande. Les Allemands finissent par passer et se dirigent vers Boussès.

Le lendemain vers 15h, les Allemands reviennent récupérer leur chenillette. Des combats ont à nouveau lieu, deux jeunes FTPF perdent encore la vie. On compte une dizaine de morts côté allemand. Des fermes et l’auberge du « Petit Saucat » sont détruites par les Allemands en représailles. Le pont sur la Gueyze rétabli, les Allemands poursuivent leurs exactions à Meylan (Gers).

Le bilan fait état d’une vingtaine de morts et d’une quarantaine de blessés côté allemand,  8 chez les FTPF (dont les Espagnols Amedeo CURRUCHU et  Ricardo COLL JOFFRE  dit « Nin », 24 ans, tous deux résistants F.T.P.F. dans le « Bataillon Arthur », groupe « Marta », et Vittorio LANFRANCHI, 19 ans, fils d’antifascistes italiens immigrés en France, mais aussi René PATILLAUD dit « Petit René », 15 ans). Amedeo est inhumé dans la Nécropole nationale de Chasseneuil-sur-Bonnieure (Charente).

Leurs noms figurent sur la stèle des résistants d’Arx et le Mémorial de Houeillès (Lot-et-Garonne).

Les « unités de Guérilleros espagnols », complètement indépendantes, conservent cependant un étroit contact avec la Résistance française, à travers Léon des Landes, avec le commandement Casablanca, chef de l’Armée Secrète, et le colonel Druilhe qui commande la 18e région militaire.

Après la libération d’Agen le 20 août 1944, de Mont-de-Marsan le 21 et de Dax le 23, tous les groupes de guérilleros espagnols sont concentrés à Lencouacq avec un total de 450 hommes. Ils harcèlent les troupes allemandes en retraite dans la région de Lencouacq-Luxey-Labrit-Sore.

dax liberation guerrilleros espagnols ffi 2
Défilé des guérilleros espagnols à Dax lors de la Libération (Archives CPRD)

Le 25, le colonel Druilhe donne l’ordre d’envoyer un détachement vers Bordeaux. Ils y prennent une part active à la libération de la ville. Le 1er septembre, c’est le départ pour la Pointe-de-Grave.

«Le bataillon Arthur s’est battu jusqu’au bout. Certains éléments rejoindront la Première Armée de de Lattre de Tassigny et traverseront le Rhin, d’autres intégreront le bataillon Atlantique qui se battra pour la libération du Médoc.»

Au total, c’est une très vaste partie de la France qui fut libérée par des unités de la résistance armée, maquis et guérilleros espagnols.

D’autres feront le choix de s’engager dans les Forces Françaises Libres.

C’est le cas de Julian VERDU MILLAN, né en 1921 à Albacete dans une famille républicaine venue s’installer à Solférino.

Engagé volontaire en 1939, il rejoint les F.F.L. en juillet 1941 en Syrie au 2e bataillon de la Légion étrangère, combat à Bir-Hakeim (une citation, nommé caporal-chef), puis en Italie.

Il est mort pour la France le 29-11-1944 à Bourbach-le-Haut (Haut-Rhin), tué par balle.

Il est inhumé en la nécropole nationale de Sigolsheim à Kaysersberg-Vignoble (Haut-Rhin) et figure sur le monument aux morts de Solférino.                              

julian verdu3616livor
Julian Verdu