Le 27 juin, l’armée allemande occupe les Landes.
Mont-de-Marsan, où les Allemands arrivent dans la nuit du 27 au 28, devient le siège de la feldkommandantur (avec Biarritz jusqu’en mars 1942), qui s’installe à la mairie tandis qu’une kreiskommandantur est installée à Dax (Hôtel Splendid), des ortskommandanturs à Rion (château de Bellegarde) et Mimizan (ainsi qu’à Orthez), et des standortkommandanturs à Biscarrosse, Seignosse et Hossegor (et Aire après l’invasion de la Zone Non Occupée).
L’ensemble du littoral atlantique représente en premier lieu un enjeu stratégique essentiel pour les forces d’occupation, et le département des Landes se trouve donc coupé en deux, sa moitié ouest étant intégrée à la zone occupée. L’ensemble de la zone côtière landaise est déclaré « Zone interdite », et plusieurs bases allemandes y sont installées. Sur le lac de Biscarrosse est installée la base des Hourtiquets pour les hydravions ravitaillant les sous-marins qui opèrent dans le golfe de Gascogne. Une base de la marine allemande est implantée à Mimizan. Des troupes nombreuses sont également postées le long de la ligne de démarcation ainsi qu’à Moliets et au sud de Tarnos, le long de l’embouchure de l’Adour, pour contrôler l’accès au port de Bayonne. Enfin, l’armée allemande surveille une série de camps de prisonniers sénégalais et nord-africains situés le long de la voie ferrée Hendaye-Dax-Bordeaux-Paris.
AVIS
La nuit du 17 au 18 février 1942, on a de nouveau cassé à coup de pierres les glaces de trois magasins à Mont-de-Marsan fréquentés par des membres de la Wehrmacht. Pour garder l’ordre public et comme sanction pour la démonstration anti-allemande de manifestant dans ces excès, le couvre-feu à Mont-de-Marsan est fixé à 21 heures jusqu’à 6 heures, jusqu’à nouvel ordre. Tous les spectacles et distractions publics sont interdits. Des rondes seront effectuées par des hommes de la population pendant la nuit. Ces sanctions seront levées immédiatement si les coupables sont découverts et arrêtés par les indications de la population.
Der Feldkommandant »
Journal « Les Landes » du samedi 28 février 1942
Le KDS (Gestapo) possède des antennes à Mont-de-Marsan et Dax, et c’est par elles que transitent les ordres d’arrestation et de transfert au camp de Mérignac, transmis au préfet pour exécution.
De façon générale, le potentiel économique et surtout agricole des Landes représente un enjeu important pour l’occupant. Les autorités allemandes sont en particulier très intéressées par la production de gemme, utile pour la confection du caoutchouc nécessaire à la fabrication de pneus. Les 2 000 gemmeurs de la zone occupée se voient ainsi imposer des quotas de production par les autorités allemandes. L’importance de la gemme conduit même, en 1941, à la libération de 1 000 soldats, gemmeurs de la forêt de Gascogne, qui reprennent leur activité sous le contrôle de l’occupant. Les prisonniers sénégalais et nord-africains cantonnés dans le département sont également contraints de travailler dans les exploitations forestières. Le bois est destiné à l’organisation TODT, chargée de la construction du mur de l’Atlantique. Une part importante des autres produits agricoles, et particulièrement le blé produit en Chalosse, est également envoyé, en Allemagne. Les autres secteurs de l’économie landaise, notamment son potentiel industriel, sont également mis à profit par l’économie allemande. Les papeteries de Roquefort et de Tartas, l’ensemble des scieries et les usines d’aviation Potez, pourtant installées en zone libre, à Aire-Sur-l’Adour, travaillent ainsi à l’effort de guerre allemand. Enfin, d’importantes réquisitions de chevaux ont également lieu dans le département.
Vers la Collaboration
Le mercredi 10 juillet 1940, le maréchal Pétain obtient à une très large majorité le vote des pleins pouvoirs constituants par l’Assemblée nationale (569 voix « pour », 80 « contre » et 17 abstentions).
Lors de ce vote, les parlementaires landais sont « pour » ou absents : les deux sénateurs Lourties et Eugène Milliès-Lacroix et les deux députés Antoine Dubon (S.F.I.O.) et Robert Bézos (radical) votent les pleins pouvoirs, tandis que le sénateur Ernest Daraignez et le député Pierre Fully, absents, ne prennent pas part au vote.
Le député radical socialiste Robert Lassalle a été tué sur le front en mai 1940.
A la préfecture, le service de l’occupation est mis en place pour gérer les relations avec les autorités allemandes, suivre les nombreuses réquisitions et les récurrentes demandes de fournitures diverses. La surveillance du territoire amène le développement des services de police, ceux des renseignements généraux et leur collaboration avec les compagnies de gendarmerie qui doivent surveiller les trafics de marchés noirs, gérer les incidents entre civils et soldats allemands et à partir de 1942 les premiers actes de résistance.
En parallèle aux services préfectoraux, restés largement modérés (le préfet est Pierre Daguerre, puis, à partir de juillet 1941, Pierre-René Gazagne), s’installent des organismes beaucoup plus collaborationnistes, comme celui de la propagande, ainsi que des partis tels le PPF (Parti Populaire Français) et autres.
Deux de ces mouvements ont une certaine influence dans les Landes. Le Parti Populaire Français (P.P.F.) est le mieux implanté, le plus structuré et celui qui compte le plus de militants dans le département. Il compte entre 500 et 600 inscrits parmi lesquels approximativement 200 à Dax et dans ses environs. Il parvient à réunir près de 100 personnes lors d’une réunion à Mont-de-Marsan le 29 mai 1942 et 200 à Dax, le 19 octobre de la même année.
Le second mouvement influent dans le département est le parti franciste de Marcel Bucard, dirigé dans les Landes par Maurice Baubiet. Il est surtout implanté dans la région de Mont-de-Marsan, où il compte 350 inscrits, mais il semble que seuls 30 d’entre eux sont considérés comme des militants actifs et convaincus. Ils parviennent toutefois à constituer une milice en mars 1944, face à l’imminence de la Libération.
Enfin, il faut signaler dans les Landes, l’existence d’un groupe appelé » Collaboration « , dirigé par le commandant Laurensan et par Jean Lacoste, qui compte une soixantaine de membres dans le département.
Pour l’essentiel, ces différents mouvements recueillent surtout l’adhésion de notables locaux, médecins, industriels, commerçants, ingénieurs, etc. Leur manque d’implantation populaire explique leur faiblesse relative dans le département. De même, la Milice est elle aussi peu active dans le département, puisque l’on ne recense à la Libération que 37 miliciens, dont la plupart ne sont d’ailleurs pas originaires du département[1]Site Histoire Sociale des Landes https://www.histoiresocialedeslandes.fr/p5_occupation.asp.
La rafle de Roquefort-Gabarret
Face aux difficultés rencontrées par les Allemands, tant sur les champs de bataille qu’avec la montée en puissance de la Résistance, on assiste à un regain de tension et à des représailles allemandes de plus en plus fréquentes et dangereuses. L’opération répressive menée les 20, 21 et 22 avril 1944 à la limite de la Gironde, du Lot-et-Garonne et des Landes (au sud d’une ligne Bazas-Casteljaloux : Bourriot-Bergonce, Gabarret, Saint-Justin, Roquefort…), engage de gros effectifs de la Wehrmacht (y compris de la division SS « Das Reich », qui s’illustrera à Tulle et Oradour-sur-Glane…), de la SiPo-SD, de la Gestapo, de la Feldgendarmerie, secondées par des collaborateurs français… Plusieurs raisons avaient motivé cette expédition punitive et cette rafle, notamment la recherche de déserteurs alsaciens-lorrains incorporés dans l’armée allemande, de réfractaires au STO dans les « Chantiers de la jeunesse » (détachement forestier des Landes n°4), ou bien l’explosion, le 19 avril, d’une citerne d’essence en gare de Bourriot-Bergonce.
Il en résulte au moins 2 000 interpellations ; les hommes sont embarqués sur des camions et dirigés vers Bazas.
350 des personnes arrêtées sont transférées à Bordeaux et internées à Mérignac, au fort du Hâ, à la Caserne Boudet ou à la synagogue.
Des fermes, des scieries, des hôtels et des maisons ont été incendiées, un berger assassiné. Trois Juifs, arrivés depuis peu à Gabarret (Pierre et Maurice Chimène, Joseph Heymann ) sont torturés et abattus devant un baraquement du chantier de jeunesse (actuel collège), à l’aube du 22 avril, le lendemain de leur arrestation, d’autres, réfugiés à Bourriot, disparaissent sans laisser de traces (dont Jacques Ullmo), vraisemblablement exécutés.
Au moins 250 jeunes des chantiers de jeunesse et quelques civils sont envoyés en Allemagne au titre du STO, tandis que 78 hommes et une femme sont déportés à Neuengamme (37 y sont morts)[2]Gilbert Dupau et François Campa, Résistance et Déportation dans les Landes par les stèles, les plaques et les monuments, Ed. Gascogne, 2004, et Archives du CPRD.
Autres sources
↑1 | Site Histoire Sociale des Landes https://www.histoiresocialedeslandes.fr/p5_occupation.asp |
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↑2 | Gilbert Dupau et François Campa, Résistance et Déportation dans les Landes par les stèles, les plaques et les monuments, Ed. Gascogne, 2004, et Archives du CPRD |